Les voilà tous fleuris. Sous prétexte
qu’ils sont morts, on leur plante l’éternité plutôt que l’éphémère, des fleurs
d’or déguisées en fleurs de granit.
Les cimetières... des hectares de tombes,
d’allées et de silence. Je n’aime pas ces endroits où chaque son résonne comme
un outrage. Et je ne parle pas du bruit des graviers qui me laisse un goût de
grains de sable. La fête des morts, on nous dit. On ne fête pas nos morts, on appuie
un peu plus sur leur crânes muets. La fête, ce n’est pas ça.
Fermez les yeux et imaginez. Imaginez nos
cimetières métamorphosés en jardin d’enfants, en parc, en forêt ! Comme les cimetières américains, avec de
l’herbe, du vert, la couleur du printemps, de la renaissance, de l’espoir.
Imaginez réveiller mamie Jacotte depuis trop longtemps endormie six pieds sous
terre en riant à tout va, faire sursauter tonton Marcel, fondu dans son costume,
par nos bruits de tape-cul sur le sol. Les réveiller, leur faire la fête, la
vraie ! Les cimetières laissent mourir les morts. On les range dans un
coin où on va de temps en temps avec une gueule de trois pieds de long. Comme
si ils en avaient pas assez de leur côté. Vous n’en auriez pas marre, vous, de
voir, entre les heures interminables, des visages abattus et étouffés ?
Nous
manquons de savoir-vivre.
Moi je veux mourir vivante ! Que l’on peigne ma stèle version Warhol, que l’on transforme ma tombe en piste de danse ou salon de thé. Que l’on se saoule de souvenirs, que l’on fasse résonner Boogie Wonderland !!!
Bon, je m’emballe, je m’emballe, mais je n’ai pas prévu de mourir tout de suite. Disons qu’il nous reste 123 ans pour faire les grands travaux.