Que se passe-t-il au bâtonnat de Sidi Bel Abbès ? Un avocat stagiaire, Youcef Benbrahim, dit être « victime d’un abus de la part du bâtonnier, Mohamed Othmani ». Ce dernier, affirme que « la confession du stagiaire doit être connue ». Explications.
Youcef Benbrahim, 26 ans, est un avocat stagiaire. Il suit les cours chaque jeudi au tribunal de Sidi Bel Abbès. Il est défenseur des droits de l’Homme. Il est membre de l’organisation non gouvernementale Amnesty international.
Le 27 septembre dernier, un rassemblement a été organisé par les avocats de la ville, pour dénoncer un film américain offensant le Prophète de l’Islam Mohamed. Mais l’avocat stagiaire ne veut pas y prendre part et préfère rester en retrait. « Je me trouvais sur les escaliers qui mènent au tribunal. Soudainement, un avocat membre du bâtonnat se dirige vers moi. Il demande mon nom et me signifie que mon stage est suspendu », affirme Youcef Benbrahim, dans un courrier qui nous a été adressé.
« L’après-midi de la même journée, je me dirigeais par route à Oran (80 km au nord de Sidi Bel Abbès). Je reçois un appel téléphonique de la part de la secrétaire du bâtonnier, maître Othmani Mohamed. Elle m’informe qu’il désire me voir. Je décide de lui téléphoner une fois arrivé à Oran pour montrer que je suis bel et bien dans cette ville et lui démontrer que je suis dans l’impossibilité physique de répondre à cette convocation. Le lendemain, je me présente au bureau du bâtonnier, mais il était absent. Je demande à sa secrétaire des éclaircissements au sujet de ma convocation. Elle m’indique qu’il y eu réunion du bâtonnat et qu’une décision a été prise pour suspendre mon stage, tout en ajoutant que je recevrais un écrit », relate M. Benbrahim.
Et de poursuivre : « Je me suis présenté chez maître Lacarne Mohamed Redouane, membre du bâtonnat et responsable de la formation des avocats stagiaires. Il me confirme que durant la réunion de bâtonnat qui s’est tenue l’après midi du jeudi 27 septembre 2012, une affaire me concernant a été débattue, mais aucune décision n’a été prise jusqu'à ce qu’une commission puisse m’entendre. Je me suis présenté chez maître Othmani pour demander des explications. Je lui précise qu’il est le bâtonnier et en lui soulignant que je ne comprenais pas qu’une telle instance ne respecte pas les bases du débat contradictoire. Il a refusé de discuter et il demande à sa secrétaire d’écrire de suite la décision de suspension de mon stage ».
L’avocat stagiaire informe par la suite maître Mekkidèche, auprès duquel il effectue le stage. « Il me dit qu’il ne peut rien faire avant que l’écrit ne soit rédigé. J’appelle donc la secrétaire du bâtonnier et elle me dit que l’écrit sera remis au responsable du stage », raconte le stagiaire. Dans le même récit, il ajoute que « le 04 novembre 2012, alors que je participais à des travaux du stage d’avocat, le bâtonnier se présente au TD et dit à l’enseignant qu’une personne doit sortir, car elle a été exclue mais est présente aujourd’hui. J’ai alors demandé au bâtonnier de m’adresser un écrit concernant ma situation. Il me répond avec arrogance et me dit ‘ vous pouvez dire adieu à ce stage et au métier d’avocat qui vous est interdit’ ».
Youcef Benbrahim considère cette suspension arbitraire du stage comme une sanction allant à l’encontre de son militantisme avec Amnesty International et celui en faveur des droits humains. « Aucun écrit ne m’a été envoyé. Cette décision a été prise en dehors de tout cadre règlementaire et sans ma comparution devant le conseil de discipline », précise-t-il.
Contacté, Mr Mohamed Othmani, le bâtonnier de Sidi Bel Abbès, donne sa version : « Nous n’avons pas mis fin au stage de Youcef Benbrahim. Mais j’ai jugé que je devais éclaircir un point très important en rapport avec la religion. Est-il est chrétien ou musulman ? ». Selon le bâtonnier, « effectivement, le 27 septembre 2012, un sin-in a été organisé en preuve de soutien au Prophète. Tous les avocats se sont rassemblés, sauf Youcef Benbrahim. Donc, s’il est musulman, pourquoi n’a-t-il pas rejoint le mouvement de protestation. S’il n’est pas de confession musulmane, nous rencontrons un problème, car les avocats prêtent serment sur le Coran. Et s’il prête serment sur le livre sacré, et qu’en réalité il n’est pas musulman, il y a une contradiction ». « Je connais les libertés et ses limites. Nous aussi on peut écrire des articles. Ecrivez ce que vous voulez », nous répond-il.