Tout avait si bien commencé. De
quoi ? Stateless Things (2011),
le premier long-métrage de qui ? Kim Kyung-mook. L’homme mis à l’honneur
au FFCP 2012 dans la section « Portrait », avec le sous-titre : Spotlight sur le cinéaste coréen de demain.
Un sous-titre fort présomptueux, mais qui sait ? L’avenir nous le dira
peut-être (ou pas). En attendant, les 115 minutes de ce drame avaient bien
commencé. Le cinéaste coréen de demain (?) nous plongeait dès lors dans la vie
rude du jeune Jun, un immigré nord-coréen illégalement arrivé en Corée du Sud.
Ce dernier vit de petit boulot dont celui de pompiste. Un jour, en voulant
protéger sa collègue, Sun-hee il se fait licencier et s’enfuit avec elle après
une altercation avec leur patron. Parallèlement, on découvre la vie dorée d’un
jeune homosexuel, Hyeon qui se fait entretenir par un homme plus âgé. Bientôt,
les deux amants se disputent…
Il émane de Stateless Things ce côté âpre qu’ont certaines premières œuvres
indépendantes. Il s’y dégage une force à l’état brut qui s’apparente à des
coups de poings envoyés en pleine figure. Les images sont vives, filmées au
plus près, enfermant les personnages qui tentent de survivre dans un monde déviant
où règne la loi du plus fort. Le constat est cruel et le cinéaste n’en démord
pas lorsqu’il s’agit de les écraser un peu plus sous le poids d’une société les
stigmatisant encore et toujours. Nous sommes plongés dans une mise en abyme qui
rend mal à l’aise. On parvient à sentir cet environnement froid transpercer l’écran.
La réalisation y est pour beaucoup. Elle alterne entre plan tiré à
l’exagération à des mouvements brusques qui rappellent l’état d’aboiement dans
lequel on se trouve avec les personnages. Les rares évasions qui leur sont
permis (à Jun et Sun-hee) ce sont ces balades dans le clinquant des sites touristiques,
eux immigrés illégaux qui goûtent à l’errance interdite jusqu’alors. Mais la
réalité comme le joug d’une fatalité omniprésente ne leur laissera que peu de répit.
Ces destins sont alors télescopés et supplantés par une vie qu’ils auraient à
peine osé rêver. Celle faste d’un grand appartement tout en haut d’un building.
Celle où l’on n’a plus à se préoccuper des lendemains et dans laquelle on peut
se laisser à s’amuser et s’enivrer des plaisirs de la vie. Mais sous cette fine
couche d’illusion de rêve se cache en fait une cage dorée dans laquelle un
jeune homme s’ennuie, on l’image fatigué d’être l’objet sexuel d’un homme
fortuné et pervers. Ces différentes trajectoires qui nous sont montrées s’entrechoquent
et sont autant de reflets d’un miroir qui se déforment à mesure que le film
s’enfonce dans la répétition malsaine et les longueurs. Kim Kyung-mook aime
torturer ses personnages comme il aime jouer avec ses spectateurs. Le glauque s’invite
alors lorsque l’auteur superpose ses différents récits, ces trajectoires qui
explosent à l’écran dans un cabinet de toilette publique à l’ambiance infecte,
renforcé par l’image « crade » d’une caméra numérique. Les images
sont aussi choquantes que furtives. Les choses auraient pu s’arrêter là. Mais
comme des condamnés survivant à leur dernier jour, une dernière danse macabre
se joue à l’infini. Kim Kyun-mook enfonce le clou jusqu’au manche et nous
abruti d’un délire quasi-mystique étouffant, redondant, lassant et finalement
libérateur comme une naissance. Ici-bas, la vie continue… semble-t-il nous
dire.
Qualités et défauts parsèment ce Stateless Things qui ne laisse pas
indifférent. Il est un premier long remarqué, d’un auteur à la trempe affirmée.
Maintenant, la relativité est de rigueur pour juger d’une telle œuvre. Elle se
perd plus d’une fois dans des longueurs lorsque le récit ne cale pas de temps à
autre.
I.D.