Dans quelques semaines, premier vol du C.Series.
Bombardier termine dans ses vastes installations de Mirabel l’assemblage final du biréacteur C.Series qui devrait effectuer son premier vol ŕ la fin du mois prochain. Le projet est ainsi devenu une réalité tangible, en męme temps qu’apparaît une certaine nervosité. Il y a évidemment longtemps que le point de non retour du programme est dépassé mais, sur le plan commercial, le court-courrier tarde singuličrement ŕ démarrer.
Cent-trente-huit commandes ont été réunies par le constructeur québécois (ainsi qu’un certain nombre d’options), un premier résultat qui n’est pas franchement mauvais mais manque cruellement de clients de référence, le groupe Lufthansa mis ŕ part. Le temps des obligations morales remontant ŕ une époque désormais révolue, Air Canada ne figure pas au nombre des premiers acheteurs. Tout au plus une déclaration déjŕ ancienne de la direction de la compagnie a-t-elle permis d’entrevoir un certain intéręt pour le C.Series, étant entendu qu’en cas de commande, rien ne serait concrétisé avant 2015.
En revanche, il est ŕ nouveau beaucoup question de Qatar Airways, en contact étroit avec Bombardier depuis 2 ans environ, et qui pourrait signer dans les semaines ŕ venir. Et cela malgré l’achat d’Airbus A319 NEO. Ce qui reviendrait ŕ affirmer que le C.Series et le plus petit des NEO sont bel et bien complémentaires, ce qui n’est pourtant pas l’avis de tous les spécialistes. On dit d’ailleurs que les dirigeants d’Airbus sont beaucoup plus agacés par l’arrivée du C.Series qu’ils ne veulent bien le dire, une forme de reconnaissance du bien-fondé de l’initiative de Bombardier, et cela bien que tout reste ŕ prouver.
Le 100-149 places affiche, sur papier, une diminution de consommation de carburant de 20% par rapport ŕ la concurrence, c’est-ŕ-dire les A319 et petits 737. Cela parce que l’avion est entičrement nouveau, et non pas Ťintrapoléť d’un modčle pré-existant, le gain de masse étant de ce fait considérable. De plus, la motorisation retenue, le tout nouveau Pratt & Whitney 1500G, joue en cette matičre un rôle décisif. Certes, on a entendu dire que ce 1500G connaissait quelques difficultés de mise au point mais il va sans dire que Pratt place toute son énergie dans la pleine réussite de ce moteur, clef de voűte d’une stratégie de reconquęte de parts de marché abandonnées de longue date ŕ Snecma/General Electric (CFM et Leap) et au consortium multinational IAE (V2500).
Si le C.Series est bien né, parfaitement réussi, ce que l’on peut supposer, subsistera une inconnue de taille : cet avion suffira-t-il ŕ faire vaciller le bas de gamme du duopole Airbus-Boeing ? Ou faudra-t-il attendre, pour cela, qu’apparaissent le C919 chinois et le MS21 russe ? Les commentaires vont bon train sans ętre automatiquement recevables pour autant.
Finalement, il s’agit plutôt de savoir si les compagnies accepteront d’introduire dans leur flotte un type d’appareil nouveau, une opération inévitablement complexe et coűteuse qui ne peut ętre justifiée que par des arguments économiques imparables. Et c’est de cette maničre qu’approche l’heure de vérité. Et cela quoi que disent les études de marché qui annoncent le meilleur pour le C.Series.
Bombardier souligne que l’analyse du marché fait apparaître un véritable cercle vicieux. La concurrence entre compagnies pčse sur les tarifs, ce qui les oblige ŕ réduire les coűts directs d’exploitation, ce qui conduit ŕ mettre en œuvre des avions de capacité accrue. Mais il faut alors les remplir et, pour ce faire, des tarifs attractifs, c’est-ŕ-dire plus bas, sont indispensables… Sauf, on l’aura compris, si un avion moins coűteux est mis sur le marché. Et c’est ainsi que le C.Series devrait prouver sa justification. Il n’est pas trop tard, mais il est temps, de passer de la théorie ŕ la pratique.
Pierre Sparaco - AeroMorning