Le Conseil Européen prêt à signer des chèques en blanc au profit d’une agriculture dévastatrice pour l’environnement
Communiqué de presse Natagora
Dès le début, les négociations sur l’avenir de la Politique Agricole Commune (PAC) étaient supposées se concentrer sur l’objectif « faire plus et mieux pour l’environnement en Europe, les communautés rurales et notre sécurité alimentaire à long terme ». Cependant, en dépit de ces encourageantes et ambitieuses intentions, il apparaît désormais que l’actuelle tendance destructrice qui consiste à distribuer des subventions agricoles néfastes pour l’environnement va perdurer.
Dans les hautes sphères de négociations, les intentions d’origine sont dangereusement amoindries voire ignorées. Si rien ne change, il est très probable que l’on continue à verser des subventions agricoles archaïques sous la forme de chèques en blanc ce qui serait totalement incompréhensible pour le public.
Près de 40% du total du budget européen (2007-2013) est réservé à l’agriculture; une somme considérable qui soutient une agriculture largement industrialisée, et qui est distribuée de manière inégale. À l’origine, l’objectif de la réforme était d’utiliser le budget de la PAC de manière plus cohérente, en assurant une aide financière aux agriculteurs européens qui feraient des efforts en faveur de la préservation et de la restauration de l’environnement, et en garantissant la pérennité des communautés rurales soumises à une forte pression économique. Mais cet espoir est en train de s’évaporer.
Les chefs d’Etats se réuniront à Bruxelles les 22 et 23 novembre pour définir le futur budget européen pour la période 2014-2020 et décider du montant qui servira à financer l’agriculture ; et donc de la manière dont une grande part de l’argent des contribuables européens sera utilisée. L’accord aura lieu sans même savoir dans quelle mesure les ministres de l’agriculture et le Parlement européen rendront la future PAC « durable et équitable ».
Il est à craindre que dès que l’accord budgétaire sera signé, toutes les mesures significatives pour l’environnement seront balayées en priorité, du fait de ressources limitées. Certains membres du Parlement européen et ministres de l’agriculture sont même déjà allés jusqu’à annoncer qu’il n’y aurait aucun « verdissement » si le budget de la PAC était réduit.
Le montant consacré à la PAC au sein du budget de l’UE a longtemps été le plus controversé. L’avenir de l’agriculture européenne est aujourd’hui entre les mains d’un petit groupe de députés européens et ministres. Ces décideurs politiques sont soumis à la pression du lobby de l’agro-industrie qui souhaite que la plus grande partie des futures subventions soit allouée aux exploitations intensives qui ne produisent aucuns bénéfices environnementaux ou avantages socio-économiques à long terme.
Cette situation, dans laquelle on alloue une part significative de l’argent des contribuables européens à la PAC alors que ses bienfaits pour la société n’ont pas été démontrés au préalable, ne fait que renforcer la perception négative que l’on peut avoir de cette politique. Alors que l’époque des lacs de lait et des montagnes de beurre est révolue, cette façon de faire de la politique n’améliore en rien la crédibilité de l’Europe. Il est grand temps de rendre des comptes à l’électorat européen sur la politique agricole et de réintroduire une certaine responsabilité vis-à-vis du bien commun ultime que nous partageons : notre environnement.
Les dés ne sont pas encore jetés cependant, et la situation peut encore être renversée. Une forte volonté politique est nécessaire et pourrait réorienter la réforme de la PAC vers une meilleure responsabilité financière et vers des externalités positives qui bénéficieraient à tous les citoyens européens. Il faut mettre un terme aux chèques en blanc pour l’agriculture.
Nos dirigeants politiques doivent insister pour que les subventions requièrent comme condition minimale que les agriculteurs respectent des pratiques qui participent à la protection de l’environnement et font entrer l’activité agricole dans le 21ème siècle ; ceci assurera notre sécurité alimentaire à long terme grâce à une gestion saine de nos ressources naturelles.
Les liens entre l’agriculture dépendante de l’agrochimie et le changement climatique, la pollution de l’eau, la dégradation des sols et la destruction de la biodiversité sont bien établis. Les intérêts particuliers et acquis qui continuent d’exiger des subventions à l’Union Européenne, tout en échouant à répondre aux enjeux actuels, doivent être sérieusement remis en cause. Il existe de nombreuses pratiques agricoles reconnues qui respectent les processus écologiques au lieu de les détruire, ces pratiques manquent seulement d’un vrai soutien financier et d’une reconnaissance politique.
Nous devons assurer la viabilité à long terme de l’agriculture de l’UE en rendant la totalité de la PAC plus verte et plus juste pour tous les agriculteurs. Le Fonds Agricole Européen pour le Développement Rural (FEADER) peut soutenir efficacement les économies rurales et augmenter les services environnementaux dans les zones rurales. Il faut empêcher les tentatives de certains députés européens et Etats Membres de diminuer le montant du budget alloué à ce fonds. Nos dirigeants politiques doivent au contraire s’assurer que ce budget sera suffisamment élevé pour soutenir des communautés rurales viables et pour permettre à l’agriculture de se reconvertir en une activité réellement plus respectueuse de l’environnement.
Quand les chefs d’Etat décideront du futur budget de l’UE à la fin du mois de novembre, l'intérêt de leurs citoyens devrait guider leur choix, c'est-à-dire un environnement permettant une agriculture durable sur le long terme. Nos politiciens devraient utiliser la PAC pour soutenir les agriculteurs qui veulent faire la différence et assurer un avenir durable aux futures générations, et non pas multiplier les chèques en blanc pour ceux qui font tout le contraire.
Billet d’opinion par ARC2020, BirdLife Europe, EEB (European Environmental Bureau), IFOAM EU Group and WWF.
Ce billet d'opinion a fait l'objet d'une publication sur EurActiv.
Réaction : Si une forte volonté politique est nécessaire, je m'inquiète.