Je crois avoir trouvé, pour mon plus grand plaisir, un digne successeur à mes chers Alexandre Vialatte et Daniel Boulanger. Et qui se retrouvera à leurs côtés sur mes tablettes. J'espère que vous saurez l'apprécier également, et qu'ainsi la réputation que j'ai de ne recommander que des titres austères ou difficiles sera démentie.
De l'araignée comme métaphore de l'artiste marginal à la cueillette des champignons comme image de la littérature en passant par l'illustration littéraire de la gaufre et la révolte devant l'injuste jeu d'origine anglo-saxonne qu'est le Scrabble, tout y est un plaisir de finesse et de raffinement. Que dire de la suite de cinq dialogues qui ferment le volume, et qu'on aimerait voir monter au théâtre -- je laisse à chacun le soin de trouver les voix idéales.
Que de la fraîcheur et de la légèreté, mais sans aucune mièvrerie dans le genre Delerm, ni prétention à jouer au moraliste. Je recommande particulièrement à tous les économistes patentés qui nous bassinent de leur jargon le chapitre sur l'externalisation du poète. Un bijou de drôlerie. Je ne résiste pas à la tentation de vous donner un extrait :
À vrai dire, j'écris comme je vais au champignons. J'effleure la page blanche comme j'effleure le tapis d'aiguilles compactées, sans stratégie, dans cette précarité très souple de la divagation. Je n'attends rien. Mais, à force, je finis par découvrir le champignon, la phrase, le début de poème ou de nouvelle. Et si je ne le trouve pas, je trouve tout de même que la promenade valait d'être promenée. Quoi qu'on fasse, on va toujours sur le chemin qui va là où on veut aller après avoir compris qu'on n'ira jamais là où on voulait aller.