Après Le septième continent, voilà donc le deuxième volet de la trilogie consacrée à la glaciation émotionnelle. Benny’s Video se veut une fois de plus être une remise en question de la famille bourgeoise.
Dans la plupart des films de Michael Haneke, plusieurs ressemblances se répètent. C’est justement le cas dans cette trilogie, et tout comme Le septième continent, Benny’s Video n’échappe pas à la règle. Voilà que le cinéaste s’intéresse à une histoire sentimentale virant progressivement au cauchemar, ou plutôt à l’horreur. Haneke vous y fait croire, et tout aussi froidement et violemment que le premier opus. Benny est donc un ado drogue de musique, mais surtout de vidéos en tout genre. Bref, c’est ce que l’on pourrait appeler un média-addict. Mais Benny trouve un malin plaisir à se délecter de la violence de ces médias. Il finit d’ailleurs par filmer ses propres actes, considérant finalement sa propre vie comme une simple vidéo, un simple film, une sorte de fiction. Il semble petit à petit confondre sa vie avec de vulgaires vidéos. Comme dans le premier opus de la trilogie, Haneke ne montre que rarement la violence dans le détail, mais, par l’utilisation judicieuse du hors-champ, parvient tout de même a plonger le spectateur dans un constant malaise.
C’est aussi le climat particulièrement amoral, gênant et pessimiste, qui contribue à la « glaciation émotionnelle » du spectateur, de plus en plus troublé. Le sujet est difficile, inhumain et sans chaleur, mais encore une fois, la mise en scène d’Haneke brille de talent.
Un film inhumain et sans chaleur !
Chaque séquence, chaque scène, chaque plan même, est travaillé et participe à faire avancer la thèse du film. Les familles aisées modernes deviennent-elles de plus en plus froides et distantes ? Quelles sont les conséquences de ce manque certain de communication interfamiliales ? Quel rôle endossent les médias dans cette absence de communication ? Des questions que Benny’s Video soulèvent directement ou indirectement. Haneke montre les faits, les éléments qui pourraient contribuer à une réponse au travers de ce film ardu, qui nécessite un bon système digestif tant il est difficile à digérer ce flux d’insensibilités. Qui aime la réflexion cinématographique y prendra forcément plaisir, et verra en la personne de Mr Haneke un génie, quitte à ne pas en ressortir indemne.
[T.B.]
Benny’s Video ★★★★★ – réalisé par Michael Haneke – Avec : Arno Frisch , Angela Winkler, Ulrich Mühe