Auteur : Hervé Bel
Editeur : JC Lattès
Nombre de pages : 250
Date de parution : août 2012
Présentation de l'éditeur :
« Il n y a plus que la cuisine et le mari, le ciel gris derrière la mousseline des rideaux, et ce présent dont il faut bien se contenter. Ce présent est sa prison. Plus jeune, elle l a supporté parce que, concevant l avenir comme un espace vierge, un monde à lui tout seul, elle a cru que celui-ci prendrait un jour la place de celui-là et changerait le goût de sa vie. Mais le temps n a fait que traverser son corps. Il est passé, la laissant là, inchangée avec sa façon d appréhender les choses et les gens. L avenir s est rétréci tellement qu'il s est confondu avec le présent et empêche désormais toute espérance de se déployer.»
Chaque soir, Marie commence sa ronde : il faut être certain que tout est bien fermé, chaque volet, chaque fenêtre, que l on n a surtout pas oublié d éteindre la lumière. Marie est une vieille femme : elle ne veut pas être dérangée. Elle veut que chaque chose soit à sa place, que chaque jour s écoule comme la veille, sans imprévu, sans douleur, qu elle puisse contempler tout ce que la vie lui a permis de rassembler et d accumuler : les objets, les photos, les souvenirs.
Aujourd'hui cette vie sans histoires lui convient. Mais, avant, elle voulait vivre, elle cherchait la passion et les drames, la souffrance, la sienne et celle des autres, de tous ceux qui l entouraient.
Elle s est mariée, a eu deux enfants, elle a hérité de la maison de ses parents, mais a-t-elle vécu ? Et comment a-t-elle vécu ?
Mon avis :
Marie est désormais une vieille femme, elle vit avec son mari malade dans la maison de sa jeunesse. C'est une maison sans confort dans un village de Franche Comté. Ces chapitres qui décrivent la vieillesse, les douleurs, la solitude alternent avec le récit de la vie de Marie.
Fille d'un militaire colonial, sa jeunesse fut agréable entre ce petit village et l'Indochine. Marie adore son père et craint sa mère, une dame acariâtre qui ne rêve que de grandeur. Lorsque Marie tombe amoureuse d'un jeune instituteur, sa mère rejette ce bas parti en prédisant à sa fille un avenir de "boniche" et son père lui demande d'attendre deux ans pour éprouver son amour. Malgré la rencontre attirante d'un beau parti militaire en la personne d'Hervé Perrot, Marie rentre au pays et épouse André Seudécourt, l'instituteur.
Très vite, Marie se lasse de cet homme qui se contente de peu de choses, et qui est peu démonstratif. Ayant perdu le faste et l'attention qui entouraient sa jeunesse, Marie s'ennuie et ne tarde pas à ressembler à Madame Mère qu'elle abhorrait tant.
Au fil des pages, la jalousie emporte Marie vers l'aigreur et la méchanceté. L'art de l'auteur est de nous entraîner insidieusement dans la noirceur de l'âme de Marie. On ne parvient pas vraiment à détester le personnage même si l'on ressent le calvaire qu'elle fait vivre aux personnes de son entourage. Je l'ai plainte plus que je ne l'ai détestée.
" La mauvaise humeur de Marie était une des formes de sa tristesse, cette tristesse qui grandissait, longtemps cachée par la présence de Pierre et qui, maintenant que celui-ci s'éloignait d'elle, apparaissait au grand jour."
Le style et la construction font de ce livre une histoire passionnante et touchante.
Décidément, les Marie sont de sacrés personnages. ( référence au roman d'Astrid Eliard, Sacrée Marie !)