- L’approche création/média basée une belle idée créative qui peut prendre n’importe quel forme (film, texte, print, spot radio, etc.) et qui sera affichée sur des supports media (télé, radio, magazine, blog parvenu, etc.).
- L’approche centrée utilisateur qui commence par un travail de compréhension de son marché ou de ses consommateurs pour aboutir au développement d’un produit / service à valeur ajoutée. Cette approche était traditionnellement réservée au marketing (innovation produit), mais depuis quelques années le digital brouille les cartes et il n’est pas rare que la communication développe des produits ou services avec un objectif d’image pour finalement créer de nouveaux débouchés économiques (l’exemple bien connu de King Game, le jeu vidéo promotionnel de Burger King devenu produit à part entière sur Xbox).
Les bonnes stratégies digitales se construisent dans un équilibre entre ces 2 approches. Elles doivent être à la fois orientée utilisateur (destinée à une cible particulière) et création/media (un belle histoire et un endroit où l’afficher). Une campagne 100% pure media n’a pas beaucoup d’intérêt sur internet, non plus qu’un service web qui ne raconterait rien sur la marque. Il est donc très intéressant de combiner ces deux approches dans la communication marketing des marques.
Seulement, en regardant d’un peu plus près le rapport des investissements entre ces deux approches, on peut voir apparaître une sorte de régularité au fil des années (cf. schéma ci-dessous). Une sorte de fréquence des investissements créa/media Vs user centric. Étrange. Alors, j”ai eu envie d’aller vérifier ça, et surtout imaginer quelles conséquences cela pouvait avoir sur le marketing digital dans les prochaines années. Hop, petit article de prospective de marketing digital.
1996 : des débuts tournés vers l’innovation marketing
Les premières tentatives publicitaires sur internet étaient orientées utilisateurs. Peu d’internautes à l’époque, pas de régie publicitaire digitale , pas de formats de bannières imposés, des clients sans convictions préfabriquées – très difficiles à convaincre. Une époque de pionniers où les premiers publicitaires digitaux (marques ou agences) apprenaient en faisant. L’équation était simple : les consommateurs étaient déjà ou devaient un jour aller faire un tour sur l’Internet (ou “autoroutes de l’information”), donc il fallait y être de la meilleure façon possible pour notre cible.
Moyens publicitaires : Invention des sites web de marque, premières bannières, invention de l’e-mail marketing
2001 : rationalisation des techniques d’e-marketing
Et puis, d’un coup, la crise. Plus un rond sur le web. Alors les marques, grand groupes media et quelques agences se retournent vers le cross media 360°, l’e-mailing marketing, les mini-sites évènementiels et même le wap marketing (ex-mobile marketing), des noms savant pour vendre mieux ce qu’on faisait déjà avant. Le marketing interactif trouve sa place et devient du “hors media” dans les budgets publicitaires. Et en dehors des sites institutionnels, on ne parle plus de conception orientée utilisateur dans la publicité.
Moyens publicitaires : rien de nouveau (en dehors du wap qui n’était finalement que du portage html)
2006 : l’arrivée de la conversation
Pendant ce temps là, on voit l’explosion de la blogosphère et forcément des premières tentatives d’achat des blogueurs vénaux par les marques. Les nouveaux usages des internautes qui arrivent en masse se multiplient sur le web : mondes virtuels (Second Life, Habbo, etc.), réseaux sociaux (Myspace, Skyblogs, Facebook, etc.) , mash-ups Google Maps, jeux vidéo, etc.
Les publicitaires/marketeux les plus malins essaient de se glisser dans ces nouveaux usages, d’expérimenter alors que la majorité fait son mini site wbe et sa campagne bannière. L’avenir prouva qu’ils eurent raison d’innover.
Moyens publicitaires : pages marque et application Facebook, serious games, casula games, opérations blogueurs, sponsors blogueurs, blogs d’experts, services mobiles spécifiques, etc…
2011 : le retour du media Internet
Certes, mais à quoi ça sert si ce n'est pas pour converser ?
Ca y est, Facebook, voulant rassurer les marques des bad buzz potentiels qui pourraient se produire (cf. Nestlé vs Greenpeace), leur redonne le contrôle absolu de leur marque via les timelines. Les pages de marque deviennent de véritables billboard de publicité avec modération à priori et de jolis visuels/applications qui inondent de plaisir le consommateur émerveillé en voie de téléspectateurisation primaire.
Et pendant ce temps là, la censure gagne du terrain. Apple nettoie son réseau privé (App Store) de la pornographie (et du gratuit de manière générale), Facebook censure les contenus inappropriés (même si le service affirme ensuite que c’est pas lui, c’est son algo) et Twitter supprime les tweets qui déplaisent. Ouf, les marques vont enfin pouvoir communiquer proprement sur Internet et les réseaux sociaux. Qu’importe le prix, ça coutera de toute façon moins cher que de l’achat média TV. Et l’équation publicitaire digitale redevient enfin simple :
Ouf, les agences n’ont plus à s’adapter et les annonceurs à apprendre de nouveaux métiers. Levy et Séguéla vont pouvoir reprendre leurs jobs qu’ils ne comprenaient plus. Tout va redevenir comme dans les années 80… Beurk !
Le marketing digital entre publicité de masse et innovation ?
Car si cette tendance de l’industrie publicitaire à revenir à ce qu’elle connait (et ce qu’elle sait faire) est normale, elle n’est pas forcément bénéfique pour les marques. Et l’on peut prévoir facilement 2 conséquences à ce retour au média des marques :
1/ La désaffection progressives pour la marque
Les timeline Facebook rassurent les marques (et enrichissent Facebook) : “Enfin, on contrôle notre communication sur les réseaux sociaux. Les méchants hacktivistes ne pourront plus nous faire le coup du bad buzz. Et on peut dire qu’on fait du social en plus (quoi dans social media, y’a social ou pas?). On a tout bon, à fond sur Facebook !” se disent-elles…
Hélas pour elles, ces marques ont tout faux, car afficher n’est pas converser. Et les internautes ont goûté à la conversation libre, à la liberté de parler, de critiquer, de troller. Et ce goût là va être difficile à oublier, même avec de jolis visuels qui clignotent. Et au lieu de concentrer les critiques (vraies ou pas) sur un lieu contrôlé par la marque, ces reproches vont s’éparpiller partout par le bouche à oreille ou sur d’autres supports incontrôlables.
Ce travail de sape risque d’abîmer les marques petit à petit, jusqu’à ce qu’il ne reste que de jolis billboards facebook VS des réputations détruites. Et là, la marque ne pourra rien y faire (si déjà elle s’en aperçoit). Non, afficher n’est pas converser, et les marques devront comprendre ça avant de continuer de communiquer sur Internet.
2/ L’innovation marketing va en prendre un coup
Il m’arrive encore de lire des articles-copier-coller de communiqués de presse dans certains mauvais médias publicitaires (pléonasme ?) où l’on parle de telle ou telle campagne “innovante” grâce à son super QR-Code qui renvoie sur sa génial page de marque Facebook. Le QR code ayant été inventé en 1994 et sachant qu’il n’y a absolument rien d’innovant dans une page Facebook, ces jours là, j’ai mal pour la pub digitale…
Car l’innovation n’est certainement pas la création de campagne sur la base de buzzword. Les vraies marques innovantes sont celles qui ont investi sur Facebook en 2007 à cette époque où personne ne savait ce qu’était un réseau social, ou encore celles qui ont osées se construire une stratégie temps réel sur Twitter en 2009. Aujourd’hui, les marques innovantes sont celles qui testent l’internet des objets, qui utilisent à propos la culture endémique à Internet ou qui favorisent de neo-comportements digitaux. Et ceci est valable pour la communication externe ou interne.
Conclusion de la conclusion (faut arrêter là !)
Seulement le digital change ce rapport. Certes, les Talkers restent nécessaires (il faut toujours savoir raconter de belles histoires), mais les Doers, eux, vont prouver la véracité de ces histoires. Les Doers vont permettre de développer la confiance autour d’une marque (le fameux Trust Management), ce que ne fera jamais une campagne média. Les Doers vont créer un lien concret entre la marque et l’utilisateur. Les Doers vont apporter la preuve de la qualité des marques.
On peut se dire que demain dans cette profusion ahurissante de médias publicitaires, la preuve de la bonne fois des marques va peut-être devenir plus importante que les mots. Voilà un futur qui me parle. Pas vous ?