J’ai donc décidé de tester un service me promettant d’”obtenir des followers de qualité rapidement” avec un de mes comptes twitter de test (je ne vais pas bousiller le mien où tous mes followers sont des gens extraordinaires et où mes following sont choisis avec soin). Je ne nommerai pas ce service car ça donnerait des idées à des agences sans CM. Ceci dit il est facile à retrouver, alors ne crânez pas si c’est le cas.
Configuration de l’outil
J’ai donc connecté ce compte de test à un service de recrutement (oui, ce service a le bon goût de ne pas parler d’argent – pour le remplacer par un système de crédits incompréhensible mais qui devrait réjouir les fans de casual games et de micropaiement). Évidement, l’inscription se fait par Twitter OAuth, et donc vous acceptez que le service twitte à votre place, en toute confiance, en toute transparence…
Dans vos rêves ! Car la première chose que le service va faire, c’est sa propre publicité (et non, vous n’étiez pas au courant). Pouf le tweet à tous vos followers :
Et puis le process de recrutement va commencer…
Du mass follow à gogo
Mon compte, bien portant (avant l’inscription à ce service) avait 1356 followers pour 10 following. C-a-d un rapport de 135 ce qui est excellent et indique à première vue un compte de qualité (mes bots sont de qualité, oui madame). Une semaine après, mon compte se retrouve avec 1674 followers pour 1916 following. Un rapport de 0.8 (moins de 1 pour 1). J’aurai donc gagné 318 followers (en draguant 1806 following). Et tout ça en suivant massivement les followers d’un autre compte twitter indiqué comme référence. Ce qu’on appelle du Mass Follow dans le métier.
Le Mass Follow comme le Follow Back sont en effet des techniques de base du Community Manager forcé de gonfler les chiffres de son compte Twitter pour satisfaire son employeur. Le principe est simple (car oui jeune CM, tu vas apprendre plein de trucs avec papy Cyroul et sans pub en plus) :
- Suivre massivement plein de comptes
- Attendre que ces comptes vous suivent également
- Echanger des gentillesses de CM avec des DM (“merci de me suivre”, “j’adore ce que vous faites”, “va voir ma page Facebook”, “as-tu vu mon super blog ?” etc.)
- Au bout d’un moment, virer ces comptes pour garder un bon ratio
Appelé également Emmanuel Gadenne’s Move, cette pratique (pre)historique date des premiers âges de twitter (2007), où naïvement on croyait qu’il fallait avoir le plus de followers pour être le plus influent. Ah ah ah, que nous étions idiots à l’époque… (ah, on me souffle dans l’oreille que rien n’a changé depuis 5 ans, oubliez ce que je viens d’écrire).
Alors certes, vous allez pouvoir crâner avec vos nouveaux followers, mais qui sont-ils vraiment ?
De nouveaux amis pour la vie
Mon compte a reçu une foule de messages privés (DM) de mes nouveaux followers. Cela m’a permit de comprendre un peu mieux qui ils étaient. De mesurer la fameuse “qualité” de ces followers vantée par le service.
Le compte a été contacté par 3 catégories de comptes twitter :
- 5 à 10 % d‘humains qui ne connaissent pas Twitter et essaient d’engager la conversation (ou pas).
- 35% de bots qui font du Followback avec réponse automatique en DM. La réponse commence toujours par “Bienvenue”, suivi d’un “Merci de nous suivre”, et par une incitation à aller cliquer sur facebook ou sur un site. Pour en savoir plus, allez lire les blogs de merde qui vous proposent “10 façons de booster votre compte twitter” et autres articles nuls pour CM pressés d’apprendre leur job.
- 55% de bots qui utilisent le même service d’achat de followers et qui tweetent automatiquement : “Sinon j’utilise @BIIIP pour gagner quelques followers sur Twitter, si tu veux y jeter un oeil, c’est là …“. Au moment où je pensais “quels blaireaux de se laisser avoir comme ça“, j’ai découvert que mon propre compte le faisait aussi. Ah, non, ce n’est pas marqué dans la notice du service…
Allez, encore un p’tit coup d’hypocrisie marketing pour ceux qui appellent encore ça du CM…
Conclusion après 6 jours d’utilisation de ce service (de merde)
AVANT 1356 followers 10 following Rapport : 135 !
APRÈS 1674 followers 1916 following Rapport : 0.8
Les conclusions :
- Perte de crédibilité : mon compte qui avait une excellente crédibilité sur le papier avec un rapport de 135, est passé à un rapport de 0.8. Il a donc perdu toute crédibilité, et peut facilement être classé dans la catégorie des comptes “fake” ou de mauvaise qualité.
- Des followers inutiles : ce compte de test a récupéré 90% de followers inutiles. Dans le cas d’un compte Twitter marketing, cela ne m’aurait servi à rien, car ce ne sont en aucun cas des comptes acheteurs. Idem dans le cas d’un compte Twitter publicitaire. Ce ne sont certainement pas les CM (ou les bots) qui travaillent pour d’autres marques qui vont acheter vos produits ou véhiculer votre message (ils ne sont pas payés pour ça).
- Un service nul : ce service est donc de la merde. Il ne tient pas sa promesse “followers de qualité”et au contraire diminue la qualité de votre propre compte. Et en plus il spamme vos nouveaux followers avec sa propre pub.
- Mais tous les services de ce genre sont de la merde. Est-ce que vous achetez vos lecteurs de blog ? Non Est-ce que vous achetez les lecteurs des magazines dans laquelle se trouve votre pub ? Non. Est-ce que vous achetez votre audience TV ? N… (ah, on me souffle dans l’oreille que Mediametrie en vend depuis des années mince) Mais là je ne parle que d’audience. Car Twitter, quand on l’utilise bien, vous permet également de construire et gérer votre communauté de marque, qui est autre chose qu’un tas de comptes sans vie.
A l’instar de Cory Doctorow, je pense que la richesse d’une marque est sa réputation pas son audience (car l’audience s’achète, et pas la réputation). Or, avec ce genre d’outils vous bousillez votre réputation. Et ne croyez donc pas que vous pouvez utiliser ces services pendant un moment sans conséquences. La prochaine évolution des classements des “meilleurs comptes twitters des marques” sera “les marques qui ont le plus triché avec Twitter” ou encore “quelles sont les marques qui mentent le plus sur les réseaux sociaux“.
Vous ne pourrez pas dire qu’on vous a pas prévenu !