Cinquième jour du FFCP 2012. On est samedi, la moitié du festival est passée, et finalement il reste encore tant à voir que la journée sera longue, et reflétera bien toute la diversité que se propose d’offrir le festival. Comme la veille, je prévois en bout de programme, à 22h, un film léger, pour parer toute épreuve potentielle au cours de ce défilé de films. L’ouverture se fit avec le documentaire « Two lines », film autobiographique d’une réalisatrice vivant dans le péché avec son compagnon et apprenant qu’elle est enceinte.
Dans la salle, il y en a une par contre qui a eu bien du mal à supporter le problème de sous-titrage rencontré au cours de la projection. Bien sûr, cela a été gênant pour tous les spectateurs non coréens, car près de la moitié des sous-titres sont passés à la trappe. Mais le comportement de cette spectatrice fut particulièrement dérangeant. Que lui est-il passé par la tête précisément, qu’a-t-elle compris des problèmes de sous-titrage, difficile à dire. Il faut croire qu’elle pensait que la jeune femme qui gérait le sous-titrage dans la salle ne se rendait pas compte des problèmes, et que si elle pianotait frénétiquement sur son clavier, c’était pour jouer à « World of Warcraft » et non pour constamment essayer de faire que les sous-titrages s’affichent au mieux. Assise sur le même rang que moi, je l’entendais (la spectatrice hors d’elle) se remuer sur son fauteuil, pousser des soupirs exaspérés, crier régulièrement « Sous-titres !!! », comme si l’on n’attendait qu’elle et ses remarques pour résoudre les soucis. Pire que tout, elle se contentait parfois de claquer des doigts ou d’émettre ce son caractéristique que l’on produit avec la bouche lorsque l’on appelle un chien. Charmant.
Cette même spectatrice, je la retrouvai à la séance suivante, assise le rang devant moi, pour la seconde fournée de courts métrages du réalisateur invité, Kim Kyung Mook, « Sexless » et « Faceless Things ». J’avais le sourire aux lèvres à la voir et à imaginer à quel moment elle commencerait à réagir, et surtout de quelle manière, lorsque les images deviendraient hardcore. Elle ne resta finalement pas jusqu’au clou du spectacle, quittant la salle après le premier court, un plan fixe de 22 minutes, muet et sans musique, filmant le visage (et uniquement le visage) d’un homme en train de se masturber, pendant qu’en split screen se dévoilent sur une moitié de l’écran des images à peine distinguables de ce qui pourrait lui traverser l’esprit. 22 minutes d’un tel plan fixe, malgré le split screen qui montre d’autres choses à l’écran, c’est long. Et mieux vaut ne pas s’aviser d’être pris d’une envie de rire dans une salle où chaque mouvement de tissu et reniflement de nez se fait entendre où que l’on soit assis. Jusqu’à être pressé de voir le second court-métrage - en fait long, affichant plus de 60 minutes au compteur - et réputé particulièrement dur à supporter pour les âmes sensibles, d’où une interdiction aux moins de 18 ans.
« Talking Architect » nous a été présenté comme le coup de cœur de l’équipe du Festival du Film Coréen, et je ne peux qu’approuver. C’est un moment d’émotion sincère qui a traversé la salle à la vision du documentaire, c’est le portrait d’un homme fascinant, professeur charismatique, réfléchi, posé, qui semble être l’incarnation même de la sagesse. Un maître Yoda coréen dont on boirait chaque parole avec délectation. L’homme avait fait des études en France dans sa jeunesse, et son fils, français, accompagnait la réalisatrice pour nous parler de son père avec des mots qui sonnaient justes. Le FFCP a l’art chaque année de débusquer de beaux documentaires, et « Talking architect » est sans conteste le bijou de l’édition 2012.
Pour conclure la journée, à 22h sonnées, je m’étais donc gardé un film léger et dont on m’avait dit du bien depuis qu’il avait été projeté une première fois deux jours plus tôt : « Romance Joe ». Derrière la caméra, un cinéaste qui signe là son premier long-métrage, Lee Kwang-kuk, qui a appris le métier en faisant l’assistant chez Hong Sang Soo. Et il ne faut pas attendre très longtemps pour reconnaître dans la structure narrative de « Romance Joe », la mise en abyme, l’influence du réalisateur de « Ha Ha Ha ». Lee Kwang-Kuk semble même tellement en abuser, de cette mise en abyme, dans la première partie du film, que cela fait presque peur. Il ouvre un nombre incalculable de récits dans le récit, constamment. C’est un personnage qui raconte une histoire dans laquelle un personnage raconte une histoire dans laquelle… une sensation d’infini se dessine, et l’on en vient à se demander si ce jeu de poupées russes s’arrêtera à un moment.
Devant le cinéma, une fois sortis, je semblais avoir été le seul à ne pas avoir piqué un peu du nez pendant « Romance Joe », tous les autres spectateurs me répétant les uns après les autres qu’ils avaient lutté contre le sommeil. M’enfin ! Devant un bon film pareil ! Allez, il était tard, on avait tous enchaîné plusieurs films… on passe l’éponge. Mais pour les fous rires moqueurs, par contre…