Squarzoni © Guy Delcourt Productions – 2012
Squarzoni © Guy Delcourt Productions – 2012
Décembre 1997. Philippe Squarzoni est l’un des premiers membres d’ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). Mais son engagement n’est pas le fruit du hasard.
A plusieurs reprises, Squarzoni est allé en Croatie (à Pakrac) afin d’aider les habitants (serbes et croates) à reconstruire leur village détruit par le conflit. Son premier voyage date de 1994. Dès lors, il y retournera tous les 6 mois, toujours dans le cadre du volontariat pour mener à bien un projet initié par une ONG. Mais il témoigne également de ses engagements en France, en Angleterre et au Mexique.
Garduno, en temps de paix et Zapata, en temps de guerre relatent son combat contre la mondialisation, la manipulation de l’opinion publique par les politiques, les délocalisations, le libre-échange… Edité pour la première fois en 2002 par Les Requins Marteaux (2003 pour Zapata).
Très vite, le lecteur est associé à la réflexion de l’auteur. En transmettant ce travail d’investigations et de mobilisation sur le terrain, Squarzoni éprouve son style narratif que l’on retrouvera dans ses autres documentaires (Torture blanche, Saison brune, DOL). Le scénario alterne voix-off et dialogues. La voix-off contient à la fois les concepts idéologiques (économique, politique, sociologique…) que l’auteur combat et une argumentation étayée qui développe son opinion personnelle. Les dialogues donnent quant à eux une dynamique à l’ensemble. Ils sont plus spontanés et incitent le lecteur à la réflexion.
Côté graphique, on est face à un mélange entre réalité et métaphore. Cette dernière donne un côté souvent ironique (parfois cynique) aux propos tenus dans la même case. Philippe Squarzoni se met en scène dans son quotidien, qu’il soit privé, professionnel ou militant. En parallèle, et comme je l’avais déjà plus longuement expliqué dans mon article sur Saison brune, le dessinateur fait intervenir des visuels issus de l’imagerie collective : contes, slogans publicitaires, références cinématographiques, courbes d’évolution… des coupures de presse et des photos de journalistes viennent compléter le tableau. L’ensemble permet au lecteur d’entendre tous les sous-entendus inhérents à certains constats. Malgré la lourdeur du thème abordé et le sérieux des propos, la lecture est fluide… J’ai pourtant ressenti le besoin de faire plusieurs pauses.
Durant cette lecture, le lecteur n’est pas épargné d’autant que Squarzoni énonce parfois quelques prises de positions très (voire trop ?) tranchées.
Mais alors… pourquoi lire un tel ouvrage ??
- Pourquoi tu lis ça ?
- Pourquoi Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Des témoignages sur Tchernobyl… c’est un peu malsain de lire ça, non ?
- Malsain ? Non, je ne vois pas ça comme ça. Comment dire… Tchernobyl, jusqu’à maintenant je ne m’étais jamais trop penché dessus… Je ne sais pas pourquoi. Pour moi, le scandale c’était surtout cette histoire de nuage radioactif qui s’arrête à la frontière. Et puis Polac a chroniqué ce livre sur France Inter. Et il y avait des larmes dans sa voix quand il en parlait. Et je me suis dit que je ne pouvais pas faire semblant de n’avoir rien entendu. Et que ce qui serait indécent, ce serait de ne pas le lire.
- (…) Mais je me demande à quoi ça sert finalement, à part entretenir ce sentiment d’impuissance. A quoi ça rime si c’est simplement pour être un peu moins heureuse dans ma vie.
- Mais justement, tout est là. Cette envie de ne pas savoir est-ce que ça n’est pas aussi ce qui rend tout le reste possible ? Je veux dire, cette société est tellement plus agréable si on se laisse faire. On sait très bien ce qu’on a à perdre. Ce sont des choix à faire.
(Zapata, en temps de guerre).
Les chroniques : A contre sens et Florian sur Garduno en temps de paix ; A l’ombre du cerisier et E. Guillaud sur le diptyque ; Jean-Loup (CoinBD) sur Zapata, en temps de guerre.
Extraits :
« Dans ces médias dominants, quelques stars de la communication, recevant des salaires exorbitants, vont sculpter l’image que le public se fait du monde. Les revenus de ces vedettes sont déjà une garantie de leur attachement à la pensée unique. PPDA : 6 millions de francs par an… Dans ces grands médias, qui sont les plus influents, et notamment à la télévision, une fois le micro confié à des professionnels idéologiquement conformes, il n’y a plus qu’à laisser le processus suivre son cours naturel. C. Ockrent : 120000 francs par mois… L’information est donc confiée à des gens intelligents, habiles et sincères, à qui il n’est pas utile de donner d’instructions. Ils partagent déjà l’idéologie dominante et se comportent tout naturellement en défenseurs de l’ordre établi. Au bout du compte, il suffit de laisser ces journalistes libres de travailler comme ils veulent… et sur le mur de Berlin, pendant la Guerre du Golfe, au moment du passage à l’Euro, c’est de bonne foi et en toute sincérité qu’ils nous enfermeront dans la pensée unique » (Garduno, en temps de paix).
« L’année dernière, le programme des Nations unies pour le développement humain estimait que le coût de l’éradication de la pauvreté représentait moins de 1% du revenu mondial. Cela couterait 80 milliards de dollars par an, soit moins que le patrimoine net cumulé des 7 personnes les plus riches du monde. Il suffirait de 15 milliards de dollars par an pour que personne ne soit privé de soins élémentaires et d’une alimentation suffisante. Avec 8 milliards de dollars, on pourrait assurer l’accès universel à l’eau potable dans tous les pays en développement. Améliorer la situation des 20 pays les plus gravement touchés reviendrait à 5.5 milliards de dollars. C’est-à-dire le coût de la construction d’Euro Disney » (Garduno, en temps de paix).
« Au Chlapas, les indigènes ont une conception cyclique du temps historique. L’Histoire n’est pas perçue en lien avec un temps qui s’écoule, mais avec un temps dans lequel les choses se répètent. En boucle. Pauvreté, inégalités, résistances, répression… la lutte entre les puissants et ceux d’en bas se répète et se renouvelle sans cesse. Les protagonistes ne font que changer de nom au cours des différents cycles de l’Histoire. Et selon eux, l’esprit de la résistance, vieux de 500 ans, a vécu à travers plusieurs héros révolutionnaires. Il s’incarne aujourd’hui dans la lutte des hommes et des femmes de l’EZLN. Et dans la mobilisation des peuple dans cette dissidence qui fait hésiter la machine » (Zapata, en temps de guerre).
« Les géants de l’industrie pharmaceutique ne s’attardent pas à chercher des remèdes contre des maladies dont les victimes ne sont pas solvables. Désormais, pour qu’un médicament soit commercialisé, il faut aussi qu’il rapporte de l’argent. Résultat ? Les 4 cinquièmes des dépenses de santé dans le monde servent à un cinquième de la population mondiale. Les trithérapies, qui ont permis de réduire de 60% le taux de mortalité des malades du Sida dans les pays du Nord, restent inaccessibles aux pays du Sud ! Et le système actuel soutient les intérêts des grands labos pharmaceutiques qui interdisent aux pays pauvres de produire à bas prix des produits génériques » (Zapata, en temps de guerre).
Garduno, en temps de paix / Zapata, en temps de guerre
Catégorie Personne connue
Diptyque
Éditeur : Delcourt / Garduno & Zapata
Collection : Encrages
Dessinateur / Scénariste : Philippe SQUARZONI
Dépôt légal : mai 2012
ISBN : 978-2-7560-3095-1 (Garduno) & 978-2-7560-3094-4 (Zapata)
Bulles bulles bulles…
éé
Ce diaporama nécessite JavaScript.
©–©––©––©––©––©–