Extraits de l'entretien :
- Réfléchir sur le contemporain, travailler à une philosophie du présent, de l'actuel...
- Qu'est ce qu'une crise ? J'ai été frappée en outre par le fait que l'entrée de la crise dans les discours politiques et médiatiques se fait exclusivement par le biais de l'économie. [...] J'ai donc essayé de relier ces observations à ce que je savais de la notion de crise.
On parle de la crise comme s'il s'agissait d'un état permanent, et c'est effectivement vécu par l'homme contemporain comme un état permanent. Pourtant, classiquement, la crise est un état d'exception, dont on doit sortir. - Pour les Hommes de l'Antiquité, la crise n'était pas corrélée à l'idée qu'il y a un progrès dans l'Histoire, comme ce sera plus tard le cas pour les modernes.
- Est apparue l'idée que ce sont les hommes qui font l'Histoire.
- Les grandes philosophies de l'Histoire qui marquent la modernité, celles élaborées par Hegel ou Marx, sont habitées par l'idée de progrès. Dans ce cadre, les crises sont des moments cruciaux, qui font avancer l'Histoire.
- La modernité est liée à la scission : entre le sujet et l'objet, entre l'homme et le monde, et à l'intérieur de l'homme lui-même. L'homme moderne est une un Homme déchiré.
- C'est dans ce temps contemporain que la notion de crise a changé : elle n'est plus un moment, elle devient une crise infinie. L'un des évènements fondamentaux qui marque ce basculement est l'effondrement de l'idée de progrès, vers quoi jusqu'alors tendait l'Histoire.
Plusieurs évènements y ont contribué. D'abord, la découverte [!!!!!!] du malheur de l'Histoire, [...] de même que les retournements du progrès technique [...] Du coup, notre rapport à l'avenir et l'expérience que nous avons du temps ont changé. - Depuis la modernité, c'est lui qui décide [????], mais la nouveauté c'est qu'il ne sait pas vers où il se dirige.
- Et notre rapport au futur ayant changé, nous n'avons plus, non plus, le même rapport au passé et au présent.
- Il y a une tension permanente entre la nécessité d'intervenir rapidement pour prendre des décisions qui engagent un avenir lointain et l'incapacité à s'arrêter pour réfléchir et élaborer des politiques à long terme.
- Cette emprise de l'économie sur toutes les autres sphères de la vie a commencé dès le développement du capitalisme.
- Mais il y a aussi, en période de crise économique, des considérations liées à la survie. [...] Ce n'est pas du fantasme, c'est du réel. Au point que le règne de la nécessité l'emporte aujourd'hui sur le règne de la liberté.
- il ne faut pas négliger ce que la crise peut avoir de fécond. Hannah Arendt écrit que c'est lorsque nous avons perdu tous les repères traditionnels qui nous permettaient de porter des jugements que notre capacité à juger peut être relancée.
- Peut-être sommes-nous plutôt dans une radicalisation des traits de la modernité, une sorte d'exaspération.
- [à propos du livre de Houellebecq] L'incertitude du futur est métaphorisée comme une sorte de voyage en pleine mer, dans lequel il n'est pas question d'arriver au port. Jusqu'à une île, peut-être. Mais ce n'est pas certain.
2 émissions de France Culture sur cet ouvrage
Myriam Revault d'Allonnes - La crise sans fin... par Librairie_Mollat
Extraits de la vidéo :
- Il y a une certaine manière aujourd’hui de parler de « la crise », qui fait qu’elle devient « ce qui explique » au lieu d’être « ce qui est à expliquer »
- La question de l'incertitude n'est pas un facteur qui nous empêche de réfléchir et qui nous empêche d'agir.
- Est-ce que nous avons besoin d'un avenir prédéterminé à l'avance pour agir ? Je ne le crois pas.