Certains (Citi, par exemple) l'ont compris depuis longtemps, d'autres préfèrent l'ignorer, les tablettes média, iPad en tête, ont des usages sensiblement différents des smartphones, qui devraient justifier de créer des applications distinctes. Profitant de son poste d'observation unique, Flurry met en lumière l'étendue des écarts qui séparent ces plates-formes cousines.
Tout d'abord, les profils démographiques types, établis à partir des données de 30 millions d'utilisateurs, présentent quelques différences méritant d'être soulignées. Sans nous attarder sur la parité hommes/femmes, mieux respectée parmi les propriétaires de tablettes, il est plus intéressant de vérifier qu'ils sont aussi plus âgés et qu'ils ont des revenus plus importants, en moyenne. Le coût des machines a naturellement un effet direct sur ces constatations, qui valent tout de même d'être prises en compte en tant que telles.
Ensuite, sur la base de sa solution d'analyse de trafic, intégrée dans 230 000 applications mobiles, Flurry a analysé, au cours du mois de septembre, 6 milliards de sessions sur environ 500 millions d'appareils. Sans être exhaustives, les observations qui peuvent en être tirées sur les usages sont donc largement représentatives et extrêmement pertinentes pour une étude comparative.
Premier résultat de ces recherches, la répartition de l'utilisation des appareils au cours de la journée démontre un pic notable en fin de journée pour les tablettes, pendant le "prime time" de la télévision, alors que les smartphones affichent un profil plus stable tout au long de la journée. Les iPad et consorts sont, d'évidence, plus souvent consultés en complément ou en remplacement des émissions télévisées et dans une situation stationnaire, généralement depuis le domicile de l'utilisateur.
Les divergences dans la répartition des usages par catégorie d'applications sont encore plus significatives : les jeux et autres divertissements représentent plus de 3/4 du temps passé sur tablettes, contre "seulement" 42% sur smartphone. Face à cette domination, même l'accès aux réseaux sociaux ne parvient à atteindre que 10% du temps d'utilisation.
En termes d'engagement, les tendances habituelles sont confirmées avec une durée moyenne de session (par application) deux fois plus longue sur tablette (8,2 minutes) que sur téléphone. En revanche, une particularité moins souvent soulignée est que la fréquence d'utilisation est plus faible (9,5 fois par semaine pour la tablette contre 12,9 pour le smartphone). Il faut certainement voir là un effet direct de la moindre portabilité d'un appareil finalement assez encombrant...
Quelles conclusions peut-on tirer de ces quelques statistiques ? En premier lieu, il faut éviter les raccourcis et relativiser certains points de l'analyse : les jeux sont probablement sur-représentés dans les résultats en raison de l'activité de Flurry. En outre, il convient de garder en mémoire que seules les applications "natives" sont prises en compte ici, alors que l'accès au web représente toujours un usage dominant sur les tablettes.
Une fois ces réserves prises en compte, ce qui reste de l'étude est la confirmation indiscutable du fort engagement que suscitent les tablettes auprès de leurs propriétaires. Un taux d'accès important aux heures de "détente" et la mesure directe (en durée de session) renforcent cette hypothèse, mais je crois également que le temps passé dans les jeux en est la preuve ultime : à partir du moment où une application retient son attention, l'utilisateur ne la quitte plus.
Voilà une leçon à retenir pour tous ceux qui conçoivent et réalisent des logiciels pour tablette : si vous parvenez à capter durablement l'intérêt de vos clients, comme savent le faire les meilleurs éditeurs de jeux, vous pouvez espérer qu'ils passent beaucoup plus de temps dans votre application que dans son équivalent pour smartphone ou sur vos services en ligne...
Déterminer les "bonnes" approches à adopter pour concevoir une application pour tablette est déjà difficile, l'arrivée de l'iPad mini vient encore ajouter à la complexité. En effet, avec son format particulier, la nouvelle venue va, elle aussi, induire des comportements spécifiques. Dans un article pour TechCrunch, Boris Chan propose 3 considérations essentielles à prendre en compte pour adapter au mieux l'expérience utilisateur aux tablettes de petit format (pas uniquement la dernière née d'Apple).
Premier point, qui dit dimension réduite dit plus grande mobilité. De ce fait, la tendance à un usage "sédentaire" des tablettes pourrait être combinée à une plus large utilisation en extérieur. D'un point de vue pratique, la taille de l'iPad Mini permet de le tenir d'une main, ce qui implique une adaptation des modes d'interaction (il faudra par exemple privilégier les "taps", "doubles taps", défilements d'écran...) mais aussi de préférer l'orientation "portrait", alors que les "grandes" tablettes sont souvent exploitées en mode "paysage"...
Les applications existantes peuvent fonctionner sans modification sur les nouvelles tablettes mais l'expérience utilisateur risque de ne pas y être idéale. Il faudra donc encore prévoir une analyse fine des usages pour être certain de répondre aux attentes des clients, quel que soit l'appareil qu'ils choisissent...
Étude de Flurry repérée grâce à Myriam Da Costa (merci !)