Vivre avec peu au Cambodge, vous allez me dire, mais oui, c’est évident ! Et bien pas tant que çà.
Où que se porte votre regard, sur la rue, dans le bus, sur une moto, arpentant les « trottoirs » si peu pratiques de Phnom Penh, vous devez vous rendre à l’évidence. Vivre au Cambodge, c’est accepter de vivre avec peu.
1000 riels et vous savez combien vous pesez.
En tant qu’étranger, touriste ou expatrié, cela doit faire réfléchir. Pour ma part, j’en arrive à une conclusion simple :
Vous n’avez pas le choix pour au moins deux raisons :
- Ce n’est pas parce que le coĂťt de la vie est beaucoup plus faible au Cambodge qu’en Europe que vous devez vous comporter comme un nabab. Le « barang », ou étranger, est déjà perçu comme une « cash machine », exhiber votre richesse ne fera qu’accentuer le décalage qui existe entre vous et les habitants du pays et ne facilitera en aucun cas votre intégration. De plus, cet argent, ici au Cambodge, en tant qu’étranger, ne vous apporte aucun pouvoir, plutôt des emm…
La problématique de l’expatrié, je m’en rends compte, est de s’adapter, pas de faire l’éponge (merci à Frédéric Amat pour sa description des différents types d’expat dans son livre « la drôle de vie des expatriés »). L’argent n’a pas la même valeur au Cambodge que chez nous. Trouvez cet équilibre entre ce que vous êtes et votre « intégration » est votre challenge, et sans doute l’une des choses les plus difficiles.
Ceci signifie que la voie de vivre avec peu, sans frime et sans arrogance, est une condition de réussite au Pays du Sourire, et que l’objectif, mais ça on le savait déjà, n’est pas de faire fortune.
- La seconde raison est infiniment plus profonde et tient aux valeurs. Vous ne serez jamais khmer. Vous ne pourrez jamais avoir les mêmes droits que les cambodgiens, si toutefois, un jour, vous comprenez les droits que vous avez
. Et jamais non plus vous ne vivrez dans un village ou dans une banlieue, avec une famille dont le gamin parcourt les nuits à la recherche de quelques riels pendant que la mère travaille dans un bar à hôtesses et que le mari frappe les deux pour qu’ils ramène de quoi acheter à boire.
Vous ne vivrez jamais non plus comme cette marchande de viande au marché, ce vieillard qui pèse les gens qui passent ni ce réparateur de mobylette. Tous gagnent moins de deux dollars par jour pour faire vivre leur famille.
La gare de Phnom Penh est toujours habitée.
Alors, que devez-vous faire ?
Par contre, vous devez, si je peux me permettre, essayer chaque jour de comprendre et accepter leurs valeurs, aussi différentes soient-elle des vôtres. Et vous rapprocher de leur rythme et façon de vivre.
Vous comprendrez alors, en observant les cambodgiens, en les côtoyant au quotidien sans trop marquer votre différence, que ce que vous voyez cache une réalité bien plus belle.
Vous y trouverez de l’humilité, un sens de la possession matérielle quasi inexistant (sauf pour les nouveaux riches) et une très belle idée : « je suis heureux avec ce que j’ai, je ne cherche pas à avoir plus, je veux juste nourrir ma famille, je n’ai BESOIN que de peu de choses. Et je donne à ceux qui en ont besoin ».
On peut contester cela et se dire, en tant qu’occidental, comme le font les touristes « quelle pauvreté, comment peut on les aider, ces enfants… » et laisser son affectif déborder. où se crisper sur son complexe de supériorité de barang et jouer les seigneurs, s’apuyant courageusement sur le principe des 5B détaillé ici. Dans les deux cas, vous êtes moralement mort.
On peut aussi se dire que les Cambogiens étant pauvres et vous riche (tout est relatif), c’est vous qui pouvez leur donner des leçons. C’est une des plus belles impasses de l’expat.
Réfléchissez à l’infiniment peu.
Vivre de peu, de ce dont vous avez besoin et de vous en contenter, ne veut pas dire vivre dans un taudis insalubre et ne manger qu’un bol de riz par jour. C’est vivre en fonction de ses moyens, sans excès, car le vrai luxe n’est pas où l’on vit ou ce que l’on possède. C’est à l’intérieur de vous, cet équilibre intime que vous saurez trouver, dans le respect profond de ceux qui vous accueillent.
Sur le long terme, c’est le meilleur placement que vous puissiez faire : celui du bonheur (avec un peu d’effort tout de même).
L’idée de cet article m’a été inspirée par un tout petit livre que je vous recommande : « L’Infiniment Peu » de Dominique Loreau. Un petit bouquin de rien du tout truffé de petits conseils et inspiré de l »expérience japonaise de l’auteur. Vous le trouverez dans la librairie, rubrique « clés spirituelles ».