La visite d’Etat du président français à Londres pourrait bien marquer le retour du Royaume-Uni en Europe.
Les gestes manifestés ces derniers jours de part et d’autre de la Manche mettent en évidence les évolutions de ces dernières années. La guerre d’Irak, le 11 septembre 2001, la guerre d’Afghanistan et la question iranienne sont passées par là. L’élection aussi, d’un nouveau président français.
La France a pris ses distances avec le concept de monde multipolaire, notion vague et peu définie, assez peu justifiée dans les faits et destinée surtout à marquer notre refus de la dominance américaine. Elle a rompu avec un discours anti-américain qui nous éloignait de nombre de nos partenaires. Le premier but de l’intégration européenne n’est pas de s’opposer aux Etats-Unis, il est de compter davantage dans le monde. Dans un double mouvement de complémentarité avec l’OTAN et d’affirmation de son existence sur le plan militaire, l’Union peut trouver sa voie pour devenir plus crédible sur la scène internationale. C’est le pari de Nicolas Sarkozy.
Gordon Brown a abandonné ses discours eurosceptiques pour adopter une posture plus conforme à celle du Premier ministre qu’il est devenu. Il a fait plusieurs pas vers l’Europe. Les queues d’épargnants devant les guichets d’une banque en faillite l’ont convaincu d’accepter l’idée d’une meilleure régulation financière, au besoin européenne. L’engagement de Bruxelles pour une politique d’environnement ambitieuse lui convient.
Les avances de la France l’ont flatté et lui seront bien utiles, par exemple en matière de nucléaire civil. La solidarité européenne envers l’Iran, au Kosovo et en Afghanistan l’a sorti de son tête-à-tête avec l’administration américaine. Nos cousins d’Outre-Manche ne peuvent se passer d’un lien fort avec le continent, pour leur commerce, pour leurs finances, mais aussi désormais pour leur posture géopolitique.
Certes la France et le Royaume-Uni ne partagent pas la même vision de l’Union européenne. Mais les deux seuls Etats membres qui siègent de manière permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, disposent de la dissuasion nucléaire et alignent des armées opérationnelles, ne peuvent rester éloignés comme elles l’ont trop été dans le passé. La sécurité de l’Europe en dépend. Leur rapprochement est un fait majeur qui pourrait bien permettre la constitution d’une véritable défense européenne à laquelle il n’est plus certain que Washington s’oppose.
Cela n’affecte en rien la relation franco-allemande, qui est d’une autre nature, bien plus opérationnelle au quotidien et réellement incontournable. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy l’ont récemment démontré en surmontant leur différend sur l’Union pour la Méditerranée. Comme ils auront raison de toutes les nuances que peuvent contenir leurs politiques. Tout simplement parce qu’ils l’ont décidé et déclaré.
En revanche, la mise en œuvre du Traité de Lisbonne, dont beaucoup de dispositions concernent la politique étrangère et la défense pourrait bénéficier d’un Royaume-Uni qui, sans tourner le dos aux Etats-Unis, a déjà tourné la tête vers d’autres horizons.