La Formule de Dieu, de José Rodrigues dos Santos

Par Carolune

Un des rêves secrets de ma vie, c’est de n’avoir jamais lu le Nom de la Rose d’Umberto Eco pour pouvoir parcourir pour la première fois ce labyrinthe mental et littéraire jubilatoire qu’il représente pour moi... Je le lis tous les étés, rituellement, et j’espère aussi secrètement trouver un jour son équivalent…

Bref, tout ceci, plus mon goût pour la confrontation avec des thèses scientifiques complexes que je ne suis pas armée pour comprendre, m’a décidée à lire la Formule de Dieu… :

Printemps 1951, deux espions de la CIA épient une rencontre de la plus haute importance entre David Ben Gourion, « premier » Premier Ministre de l'État d'Israël, et Albert Einstein. L'objet de leur discussion : l'obtention de l'arme nucléaire par le jeune état juif et l'existence de Dieu.
Cinquante ans plus tard, Tomas Noronha, expert en cryptologie, est appelé au Caire par une mystérieuse jeune femme. Sa mission : déchiffrer un cryptogramme caché dans un document détenu par le gouvernement de Téhéran. Un manuscrit écrit de la main d'Albert Einstein dont le contenu pourrait bousculer l'ordre mondial.
Tomas Noronha devient alors un agent double censé collaborer avec les Iraniens pour informer l'Occident. Mais au cours de son enquête, il découvre que le fameux manuscrit contient beaucoup plus de choses que ne l'espéraient ses différents commanditaires. Il serait tout simplement la preuve scientifique de l'existence de Dieu.

 

Le résumé et les premiers chapitres du livre m’auraient presque fait croire que j’avais un roman d’espionnage entre les mains : très vite, le pauvre – mais très attachant ! - Tomas Noronha est pris dans des conflits qui le dépassent, et on retrouve la classique figure de l’agneau convoité par trop de loups… Mais très vite aussi, l’enjeu scientifique et métaphysique se met en place. Les développements autour du manuscrit d’Einstein sont passionnants, et les personnages se transforment en vulgarisateurs. C’est parfois un peu poussif, mais nécessaire et surtout très intéressant. L’intrigue autour du déchiffrage de l’énigme laissée par Einstein permet de faire passer l’ensemble avec plaisir. Rajoutez quelques ingrédients du roman d’espionnage – la femme fatale mais peut-être duplice, quelques portes forcées avec les conséquences qui vont avec, quelques évasions, quelques doubles jeux… -, et ce roman devient un génial divertissement sur fond scientifique. Enfin, tout cela est valable aussi longtemps que les personnages pensent que le manuscrit d’Einstein a quelque chose à voir avec les armes nucléaires…

…car dès que l’on passe à la seconde lecture du manuscrit, celle qui concerne une « preuve scientifique de l’existence de Dieu », le propos devient carrément vertigineux. On se retrouve au Tibet avec un vieux boddhisattva qui va procéder à une mise en correspondance incroyablement bien trouvée entre certains textes sacrés et certaines données de la physique contemporaine. Attention toutefois ! Pas question ici de prouver l’existence d’un Dieu anthropomorphe, pourvoyeur de morale, colérique et grand censeur ; c’est du Dieu de Spinoza que l’on parle ici, du Dieu qui correspond à la Nature, à l’univers et aux forces qui le gouvernent. La Formule de Dieu n’a rien d’un thriller ésotérique.

Bon, je trouve qu’il reste des tas de maladresses dans ce livre, des passages qui utilisent un peu trop clairement les ficelles des best-sellers, ou dans lesquels les personnages sont un peu maladroitement peints – je pense en particulier aux moments délicats où Tomàs va être confronté à la maladie de son père. Mais c’est un bouquin passionnant, stimulant, avec beaucoup d’idées géniales… A lire sans plus tarder, donc !

Même si je préfère malgré tout, dans le même champ, le roman que Somoza a basé sur la théorie des cordes – il s’agit donc cette fois de physique quantique – et que j’avais chroniqué ici :

 http://carolunelit.over-blog.com/article-la-theorie-des-cordes-de-somoza-66031716.html

Et je cherche toujours mon Nom de la Rose bis, donc. Si vous avez des idées…