François Hollande en avait fait un des engagements forts de sa candidature. Le mariage homosexuel est l’engagement 31, celui qu’il résumait en ces mots au cours de la campagne « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels« . Loin d’être isolé, ce combat était porté par toute la famille de gauche, d’Eva Joly à Nathalie Arthaud en passant par Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et même François Bayrou qui préconisait « une union civile offrant les mêmes droits qu’aux hétérosexuels ».
Sujet de débats et d’affrontements en France depuis plusieurs années, le « mariage pour tous » a réellement émergé il y a une décennie quand des premiers pays ont autorisé le mariage entre individus du même sexe. Depuis l’évolution législative aux Pays-Bas en 2001, dix autres pays (le Mexique et les Etats-Unis sont des cas plus particuliers) ont eux aussi fait le choix d’autoriser le mariage homosexuel. Le dernier en date a été le Danemark, au mois de juin 2012. En 2012, force est de constater que l’homophobie s’est effondrée comme Délits d’Opinion l’avait déjà souligné il y a 2 ans.
En France, plusieurs dates sont restées célèbres pour les défenseurs de cette cause. Le 5 juin 2004, Noel Mamère a célébré un premier mariage « au nom de la défense de l’égalité des droits » selon ses mots. A cette époque, la mariage gay était perçu favorablement par près de 6 Français sur 10 selon une étude de l’institut BVA, la bascule s’étant opérée au début des années 2000 (48% de favorables en 1996), soit 1 an après l’adoption du PACS. Puis, en 2008 et en 2011, deux propositions de loi sont venues mobiliser à nouveau les parlementaires.
Face aux critiques qui se multiplient et alors que le Premier Ministre semble fragilisé par les dossiers économiques (loi logement, compétitivité, etc.), la question du mariage homosexuel pourrait être le premier repère d’un quinquennat qui n’a pas pu bénéficier d’état de grâce. Pourtant, sur ce sujet aussi, l’exécutif voit poindre la contestation populaire se renforcer à 4 jours de son évocation en conseil des ministres le 7 novembre.
Un décrochage dans l’opinion qui traduit une politisation croissante du débat
Comme indiqué précédemment, les Français sont progressivement passés de l’opposition au soutien du mariage homosexuel. De manière continue, l’opinion a évoluée pour atteindre, au début de la campagne électorale, 63% d’opinions favorables. Avec l’élection de François Hollande le mariage homosexuel apparaissait comme une bataille gagnée d’avance. En effet, comment une cause portée par la gauche et une partie du monde associatif aurait pu progresser lorsque la droite était au pouvoir et se voir freiner dès l’élection d’un socialiste à l’Elysée ? Seul un incident majeur ou une séquence particulièrement forte auraient pu modifier la donne. La campagne présidentielle a profondément questionné l’opinion et surtout une partie de la droite. En effet, les sympathisants de droite ne sont plus que 31% à soutenir le mariage homosexuel alors qu’il était 51% il y a un an. Selon ce dernier sondage, les Français sont encore 58% à se déclarer favorable au mariage gay, en baisse de 5 pts sur 1 an.
Pour expliquer ce revirement particulièrement fort au sein de la droite on peut citer plusieurs facteurs. Tout d’abord la question de la temporalité et l’irruption d’un sujet de société jugé peu prioritaire pour les Français dont les perspectives s’assombrissent de jours en jours. On peut également insister sur une polarisation forte au cours de la période électorale. Polarisation mécanique dans la mesure où les deux candidats ne partageaient pas la même vision sur la question; Nicolas Sarkozy s’étant exprimé au mois de février 2012 contre le mariage et l’adoption par les couples homosexuels. A l’époque deux arguments étaient mis en avant : l’inconstitutionnalité ainsi que le besoin de rassurer les Français autour de valeurs fortes comme la famille. C’est aussi cet argument qui a été récemment utilisé par les représentants de l’Eglise catholique et notamment le Cardinal Barbarin et Monseigneur André Vingt-Trois. En attaquant ce projet de loi, demain porté par la Ministre de la Justice Christiane Taubira, l’Eglise n’a pas manqué de soulever la contestation dans les milieux catholiques et à la droite de la droite.
Sur les bancs de l’Assemblée nationale les députés se sont également mobilisés. Ils sont 121, rassemblés au sein de « L’Entente parlementaire pour la Famille » à souhaiter ajourner ce texte. Dans une tribune publiée il y a une semaine, ils invitent à ne pas faire « l’économie d’une réflexion dépassionnée » et à soumettre ce texte au référendum. Justement, un récent sondage réalisé par BVA met en lumière une baisse de 5 pts du nombre de Français favorables (58%). Une baisse qui est le résultat d’un effritement fort au sein des rangs de l’UMP, du FN et semble-t-il du nouvel UDI alors ses leaders s’étaient déclarés favorables au texte proposé en 2011.
Le mariage et l’adoption, remparts des religions
Derrière cette question du mariage se trouve bien évidemment celle de l’adoption par des couples homosexuels, aujourd’hui soutenue par 50% des Français. Au regard des manifestions qui se déroulent depuis plusieurs semaines, il apparait clairement que le mariage est perçu comme le verrou de la boite de Pandore, celui des valeurs. Celui qui doit réserver à ceux qui naturellement peuvent donner la vie, le nom et le droit au mariage. De plus, dans un contexte de regain des tensions religieuses dans le pays, les croyants de France, qu’ils soient catholiques, juifs ou musulmans refusent de voir leur influence remise en question à l’occasion de ce débat. Un contexte qui ne manque pas de provoquer des prises de paroles parfois extrémistes de la part de haut dignitaires religieux.
Après le temps du débat sur le principe du mariage et de l’adoption par les couples homosexuels (qui représentent 5 à 10% de la population), vient aujourd’hui celui du débat et de la prise de position selon le camp politique. L’UMP et les deux prétendants à la présidence du parti se sont accordés sur un refus de ce type d’union lors du récent débat télévisé. Engagé dans un combat qui ne concerne que les sympathisants de droite (dont 31% sont favorables au mariage homosexuel), tous les deux ont clairement pris une position ferme afin de se prémunir contre certaines fuites.
Alors que devrait s’ouvrir dans les prochains jours un débat de société qui s’annonce très âpre, le gouvernement veut tenir bon et démontrer qu’il est en mesure, non seulement de faire aboutir un texte majeur, mais aussi de rompre avec la spirale négative dans laquelle il semble pris. Espérons que ce sujet, qui devrait passionner l’opinion, sera bien la fin et non le moyen d’un autre combat, plus politique celui-là.