Un pays reconnu mondialement pour son caractère modéré et démocratique, le Canada, a décidé de se doter d’une nouvelle loi fondamentale, sans le consentement d’une de ses nations fondatrices. Pendant une conférence qui devait redéfinir les règles fondamentales d’un pays, 10 négociateurs sur 11 se sont concertés pendant la nuit pour annoncer, le matin, qu’ils avaient convenu d’une nouvelle entente qui réduirait les pouvoirs du 11e.
Le Québec n'est toujours pas dans la constitution canadienne et les dix autres provinces bâtissent leur mépris en parti là-dessus tandis qu'une frange importante des souverainistes de chez nous souhaite l'indépendance entre autre parce que de toutes façon, les 10 autres provinces ne nous considèrent pas comme des leurs (et vice-versa).
Revisitons l'infâme nuit du 4 novembre 1981.
1) faire en sorte que la constitution canadienne, jusqu’alors une simple loi britannique, soit “rapatriée” au Canada
2) introduire une formule d’amendement qui permettrait ensuite de modifier le texte
3) insérer immédiatement des innovations, dont une Charte des droits dont un des effets serait de restreindre la capacité du Québec de légiférer en matière linguistique.
Lévesque tombe dans le piège et aime l'idée. Il a confiance d'influencer le peuple sur la question.
Les coûteaux sont aiguisés, le renard est dans le poulailler.
Les premiers ministres des autres provinces prennent très au sérieux la proposition fédérale. Pierre Trudeau n’a pour l’instant que deux alliés parmi les provinces : l’ontarien Bill Davis et le néo-brunswickois Richard Hatfield. Ce dernier, opposé à la tenue d’un référendum, est estomaqué de la tournure des événements du matin. Trudeau le rassure et lui confirme qu'il n'y aura jamais de réferendum, que c'est un appât.
Les pigeons ayant été suffisamment effrayés, Trudeau la torpille en fin d’après-midi, déposant un nouveau document, intitulé Implementation process (processus de mise en œuvre) – étrangement numéroté 15/019, plutôt que 15/021, comme s’il avait été rédigé avant deux autres documents déposés le matin même...
Rarement cité dans les récits de cette journée, le document est essentiel. Il explique comment Trudeau compte mettre en oeuvre sa promesse référendaire du matin. Il suffirait pour tenir ce vote que :
1) la totalité des premiers ministres présents en approuvent la tenue — ce qui est de toute évidence impossible;
2) la totalité des membres de la Chambre des Communes en approuvent la tenue — ce qui est risible;
3) la totalité des membres du Sénat en approuvent la tenue — également risible.
Si une de ces trois conditions n’étaient pas satisfaite, le projet de constitution fédérale de Trudeau serait adopté sans retouches.
Or Trudeau voit bien que les autres premiers ministres étouffaient de rage à l’idée d’un référendum.
À la fin de cette période de négociations, René Lévesque partait dormir à Hull, ville située de l'autre côté de la rivière des Outaouais, en demandant aux autres premiers ministres (qui logeaient tous au même hôtel d'Ottawa) de l'appeler si quelque chose se passait. Isolement fatal pour Ti-Poil.
Cette nuit-là, Gargamel Chrétien négocie avec ses pairs de la Saskatchewan et de l'Ontario. Les premiers ministres provinciaux acceptent d'éliminer la clause dérogatoire, alors que Chrétien, avec réserve, leur offre une clause nonobstante (ou de dérogation).
Le matin suivant, René Lévesque entre dans l'hôtel pour le déjeuner des premiers ministres et est informé qu'une entente est survenue à son insu durant la nuit. Lévesque refuse catégoriquement de la signer et quitte immédiatement la salle. Le Québec annonçe le 25 novembre 1981 qu'il utiliserait son droit de veto sur l'entente, mais la Cour suprême du Canada statue le 6 décembre suivant que le Québec n'avait jamais possédé ce droit.
Aujourd'hui marque le trente et unième anniversaire de cette nuit pleine de rats dans les cuisines.
Cette semaine, on soulignait le 25ème anniversaire de la mort d'un homme fort, droit, honnête, inspirant comme il ne semble plus s'en faire: René Lévesque.
(contenu largement pigé chez Jean-François Lisée qui était un des joueurs de la garde rapprochée de René, insultes dans les identités: totalement moi)