À Japan Expo 12, il y avait un invité prestigieux pour tous les amateurs de japanimation : Haruhiko Mikimoto, le célèbre chara-designer de Robotech aka Macross et de Gunbuster. Rien que ça.
Ce cinquantenaire passionné par l’illustration a accepté de parler de son travail le temps d’une conférence, dirigée par Yvan WEST LAURENCE et accompagné de Takashi WATANABE, son responsable éditorial chez Kadokawa Shoten, même si ce dernier ne nous a pas appris grand chose. Nous avons également pu approcher Mikimoto lors d’une interview attribuée au collectif Plumes. Pour une fois votre serviteur s’est mué en photographe et a laissé le micro à Mackie, notre cher Newbie et Tetho de Mata-web.
Ce sont les compte-rendus de ces deux rencontres que nous vous proposons aujourd’hui via une biographie commentée par Mikimoto lui-même, à travers ses nombreuses réponses en conférence et interview. L’homme n’est pas forcément un grand bavard et encore moins un bout-en-train mais j’espère que vous en apprendrez plus sur ce grand nom de la japanimation, que ce soit sur son parcours, sa passion du travail bien fait, son lien avec Macross puis avec Gundam à travers les années, ses préférences entre l’animation, le manga et l’illustration… Et bien d’autres choses encore !
Bonne lecture
Mikimoto : la SF, l’illustration et le chara-design
Alors qu’il est toujours élève à l’université, Haruhiko Mikimoto rejoint en effet le studio d’animation Artland. Cette expérience lui permet de faire ses preuves sur des œuvres connues comme Astro, le petit robot. Des premières expériences qui seront sources de nombreux apprentissages mais tout autant de difficulté car Mikimoto va beaucoup apprendre sur le tas : « Je n’ai jamais suivi de cours d’art. J’en ai beaucoup souffert au début, et aujourd’hui encore, c’est toujours dur de dessiner. Au début de ma carrière, je n’avais jamais fait d’illustration couleur. »
Ces premiers travaux sont aussi l’occasion de faire ressortir les premières influences – les plus marquantes – qu’il énumère lui-même : il s’agit « principalement de Yoshikawa Kazuhiko (Gundam), mais j’ai aussi été influencé par le shônen qui découle lui même du shôjo (Keiko Takemiya).«
Du côté du chara design, la SF tient elle aussi une part prépondérante dans son style : « Avant de passer professionnel, j’ai beaucoup été influencé par Gundam et Space Cruiser Yamato. J’ai participé à mes premiers OAVs aux alentours de 1983, avec par exemple Megazone 23, pour lequel j’ai réalisé le design d’un personnage, une idole virtuelle. »
Bien qu’il s’oriente peu à peu vers le chara-design, Mikimoto se destine au départ à l’illustration, comme il le dit lui-même : « En fait, ma vocation était de faire de l’illustration, le manga me tentait très peu. Moi, ce que j’aime, c’est dessiner, finir un dessin jusqu’à en être satisfait. Mais ce n’est pas possible avec l’animation.
Contradiction : c’est son travail de chara-designer qui le fait connaître. Ce pan de sa carrière prend un tournant décisif quand, en 1982, il s’associe à Shoji Kawamori sur The Super Dimension Fortress Macross aka Robotech et rencontre le succès. Un succès qu’il ne s’explique pas forcément d’ailleurs car, comme il le détaille à Tetho… Il ne pense pas à l’époque que Macross est en train de marquer sa génération: « Ce n’est pas pour vous contredire mais pour moi, et à l’époque je pensais déjà la même chose, Macross n’est pas nouveau en soi, il est aussi nouveau, ou en tous cas confirme la nouveauté de Kidô Senshi Gundam et d’Uchû Senkan Yamato. On ne s’est pas dit à l’époque qu’on allait révolutionner quelque chose, on suivait cette mouvance, parce que pour nous, Gundam et Yamato étaient vraiment la référence.
(Réfléchit) Cela dit, pour aller dans votre sens, ce que je peux dire c’est qu’il y a deux éléments nouveaux dans Macross, et qui ont eu une influence sur ce qui allait suivre. Le premier, ce sont les Valkyries, avec leurs transformations en 3 formes différentes. Le deuxième, même si dans le cadre de Macross nous ne sommes pas allés jusqu’au bout de cette idée, nous avons plus été des précurseurs dans le fait de penser les personnages comme indépendants, et même en faire des produits commerciaux, comme Minmay, par exemple, à travers ses chansons. Ça leur confère une vie en dehors de l’anime pour lequel ils ont été créés, et leur permet de mieux toucher le grand public.«
On retient en effet le personnage de Lynn Minmay et plus généralement ses personnages féminins et ses aquarelles (les artbooks du sieur sont une tuerie, il faut bien l’avouer).
Macross & Gundam : le chemin vers le manga
Je devais adapter Macross 7 en manga et j’ai donc commencé Macross 7 Trash. Je n’ai as été assisté par un mechadesigner, ce qui a modifié l’apparence globale des méchas. Dans mon manga suivant, Macross the First, la situation est revenue à la normale, de même que l’apparence des machines. J’adapte actuellement en manga une des séries Macross, mais c’est vrai qu’on fait rarement appel à un chara-designer pour créer l’adaptation d’une licence. »
Mikimoto participe ponctuellement à d’autres projets. Il signe ainsi le chara design de la série d’OAVs, Gunbuster de la Gainax, une collaboration dont il a de bons souvenirs : « les réalisateurs avaient des exigences très précises, notamment du réalisateur (Hideaki Anno, NDLR). Par exemple le dernier épisode de Gunbuster a été produit en cinémascope, à la demande de l’équipe, mais je ne sais plus pourquoi… En tous cas c’est un travail que j’ai été très content de faire, qui m’a laissé de bons souvenirs, même si effectivement c’était difficile. Mais aucun travail n’est facile…«
Vient ensuite Gundam 0080, War in The Pocket, qui lui a permis de franchir un cap dans son chara-design : « Je ne suis pas très doué pour dessiner les personnages âgés, que j’évitais de dessiner. Ce n’est qu’en participant à Gundam : A war in the pocket que j’ai commencé à apprécier les personnages plus matures. »
Il est souvent porté sur la science fiction mais il lui arrive de toucher à d’autres genres comme sur Tottoi, un anime conçu parlant de l’écologie avec Nippon Animation.
Chara-design toujours : il travaille aussi sur les personnages de l’anime Super Dimension Century Orguss. Il finit cependant par quitter Artland pour se consacrer à l’illustration en dessinant pour des romans ou des magazines avant de se lancer dans le manga avec le titre Marionette Generation. En 2001, il publie dans le magazine Gekkan Gundam Ace la série Mobile Suit Gundam : l’école du ciel.
De plus en plus tourné vers le manga, il revient il y a quelques années à son succès légendaire et se lance 2009 sur une adaptation de The Super Dimension Fortress Macross: The First. Ce nouveau Macross est l’occasion pour lui de mesurer le chemin parcouru : « C’est quelque chose qui est assez nostalgique parce que Macross était vraiment mon premier travail important dans ma carrière. Pour l’occasion je dois me replonger dans mes dessins de l’époque, et je ne sais pas ce que les fans en pensent, mais j’ai un regard assez critique sur ce que j’ai pu faire à l’époque, parfois je me dis que j’aurais dû faire tel dessin différemment… Donc ce que j’essaie de faire avec Macross the First, c’est tout en restant fidèle à l’original, car il n’est pas question de changer l’histoire ou le concept, c’est d’essayer quand même de le faire évoluer par le dessin grâce à la maturité que j’ai acquise depuis.«
Macross The First garde la même ligne que l’anime mais Mikimoto explique qu’il peut utiliser des idées qui avaient été refusées pour la série télévisée.
Sur cette partie manga, une personne du public constate que la cadence de publication de Gundam, l’école du ciel et Macross the First, a beaucoup ralenti. Mikimoto s’explique : « L’histoire de Gundam l’école du Ciel est déjà bouclée dans ma tête, mais Kadokawa Shoten veut que je privilégie Macross the First. Avec deux séries en cours je travaille moins et je suis plus lent. J’ai toujours besoin de quelques jours pour pouvoir passer d’une série à l’autre.«
Il faudra donc se montrer patient !
Merci à monsieur Mikimoto pour son temps et ses réponses claires malgré la fatigue. Remerciements également à Mackie et Tetho pour leurs questions et enfin à Emilie et Japan Expo pour la mise en place de l’interview !