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@Le Monde : Un journaliste, ça vole bas

Publié le 03 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Pour Le Monde, tous ceux qui se donnent des noms d’oiseaux mènent le même combat. Pas si simple.

Par Baptiste Créteur.
@Le Monde : Un journaliste, ça vole bas

Quand Le Monde se lance dans l’ornithologie, c’est un peu comme quand il se lance dans la philosophie : sans y comprendre grand-chose et sans en dire beaucoup plus. Mais de la même façon qu’il y a information et information, il y a pigeon et pigeon.

L’idée du Monde est simple : tous ceux qui se donnent des noms d’oiseaux mènent le même combat.

La France ressemble à une immense volière où chacun finit par se considérer comme le pigeon, voire le dindon, de quelqu’un ou de quelque chose. Ça roucoule, ça jacasse, ça jabote à coup de pétitions, de pages Facebook avec comptage des nuées (les « j’aime ») et de communiqués imagés. Un vrai concert ! Cela ne vole pas toujours très haut, cela reste parfois volontairement au ras du sol, on ne sait pas toujours combien sont réellement ces oiseaux virtuels d’une crise réelle, mais dans la volière, tout le monde se défoule et s’engueule. Il n’y a plus de graines dans les mangeoires mais personne ne veut les remplir.

Il faut toutefois distinguer deux espèces de volatiles : le pigeon corporatiste, qui souhaite conserver dans sa mangeoire les graines octroyées par l’Etat, et le pigeon individualiste, qui souhaite éviter de se faire plumer.

Prenez la santé, par exemple ; dans ce domaine, tout le monde a le sentiment de se faire plumer. Les médecins libéraux ne veulent pas être les pigeons du renflouement du trou de l’assurance-maladie, les pharmaciens pointent aussi le bout de leur bec sur le même refrain que les médecins, et les patients s’estiment les pigeons du pseudo-accord « historique » sur les dépassements d’honoraires.

Les taxes, elles, font piailler de tous les côtés. Les retraités […], les personnes ayant recours à un emploi à domicile […], les salariés perdant le bénéfice de la défiscalisation de leurs heures supplémentaires […], les brasseurs […] et désormais les restaurateurs […] Et la liste n’en finit pas : les stagiaires de Génération précaire refusent d’être les éternels dindons des patrons du Medef, les enseignants ne veulent pas se faire pigeonner sur leur temps de travail à l’occasion du retour à la semaine de quatre jours et demi, et l’industrie du tourisme par la réforme des vacances scolaires.

Les pigeons stars, eux, les entrepreneurs et patrons de start-up qui ont eu l’idée de lancer la première fronde de volatiles, ont arrêté de piauler. Ils ont obtenu le recul du gouvernement sur l’essentiel du projet de taxe qui les faisait piailler, alors ils ont fermé leur bec, repus. Et semblent n’avoir rien laissé à tous ces autres pigeons et moineaux qui désormais s’époumonent.

Les deux espèces de pigeons gazouillent pour des raisons différentes : le pigeonus corporatis refuse de recevoir moins de graines alors que le pigeonus individualis ne veut pas qu’on lui en prenne plus (le pigeonus liberalis souhaite, lui, disposer librement de ses graines, mais c’est une espèce rare). Ce que révèle l’union de ces volatiles dans la contestation pour des motifs si différents, c’est le double échec du collectivisme : son inaptitude à apporter un progrès économique et son incapacité à tenir ses promesses. La perte économique procédant de l’intervention étatique est aisément compréhensible, même pour les ornithologues du dimanche : l’État prélève les ressources à ceux qui en ont, donc ceux qui en créent, les pigeons producteurs ; il les oriente ensuite vers les volatiles les moins productifs pour compenser leur incompétence et vers les secteurs les moins rentables que le marché délaisse. Il oriente donc systématiquement les ressources de la façon la moins efficace possible.

Par ailleurs, dans une logique collectiviste, l’État cherche à diriger les ressources de ceux qui les produisent vers là où il souhaite les voir aller, avec des motifs tantôt idéologiques, tantôt électoralistes. Le flux qu’il contrôle va croissant, jusqu’au moment où la source s’essouffle alors que le champ peu productif des cultures qu’il irrigue est toujours plus gourmand ; il ne peut alors plus tenir ses promesses, et « chacun finit par se considérer comme le pigeon, voire le dindon, de quelqu’un ou de quelque chose ».

On distingue également nos deux espèces de pigeons par leur agressivité ; les uns piaillent, font le plus de bruit possible et empêchent les autres oiseaux de voler, alors que les autres s’organisent, communiquent, tentent de dialoguer avec un gouvernement dont on craint qu’il soit sourd et regrette qu’il ne soit muet. Ces « pigeons stars » ne sont pas pour autant appréciés ; ils énervent par leur compétence, leur réussite, et on les déteste parce qu’on a besoin d’eux.

Mais le meilleur moyen de reconnaître ces pigeons, s’il en fallait un, est dans leur comportement en cas de crise grave, lorsque les graines mal semées et les pigeons producteurs ne donnent plus assez de graines pour nourrir la volée : le pigeonus corporatis devient agressif, défend bec et ongles ce qu’il ne mérite pas ; le pigeonus individualis déploie ses ailes et prend son envol. Vole, vole, petit oiseau !


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