La recevabilité des articles de journaux à titre de preuve
par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En juin 2010, nous discutions dans un billet de la recevabilité des articles de journaux à titre de preuve et la possibilité de demander la radiation d’allégations afférentes à ces mêmes articles (voir notre billet ici: http://bit.ly/Ruxl2A). Ceci étant dit, il importe de faire la distinction des articles de journaux que l’on tente d’introduire pour leur contenu (lesquels constituent du ouï-dire) et ceux que l’on veut introduire seulement pour prouver quelle était l’information publiquement disponible (sans égard à la véracité de cette information). Comme le souligne l’Honorable juge Line Samoisette dans Leclerc Automobiles international inc. c.RBC Banque Royale (2012 QCCS 5396), la production d’articles de journaux est tout à fait appropriée dans le deuxième scénario.
Dans cette affaire, les Demandeurs recherchent le retrait préliminaires d’articles de journaux qui sont produits par la Défenderesse dans sa contestation. Ils plaident que le contenu des articles de journaux allégués dans la défense ne sont que des suppositions et constituent un double ouï-dire ce qui est inadmissible en preuve.
La Défenderesse rétorque que ne cherche pas à prouver la véracité du contenu des nouvelles qu’elle introduit en preuve, mais qu’elle veut plutôt d’établir qu’elles ont été publiées et qu’elle les a lues. La Défenderesse ne cherche donc pas à mettre en preuve le contenu des déclarations, mais simplement qu’elles ont été faites le 3 avril 2008 dans le but d’établir qu’elle avait des motifs raisonnables d’intervenir de la façon qu’elle a fait.
La juge Samoisette en vient à la conclusion que la demande de retrait des articles de journaux est mal fondée à la lumière de l’objectif de la Défenderesse en les produisant. Puisque la Défenderesse ne cherche pas à établir la véracité des propos qui y sont rapportés, on ne peut parler de ouï-dire:
[11] Dans son traité sur la preuve civile, Jean-Claude Royer réfère à l’arrêt R. c. O’Brien qui traite ainsi de la règle générale du ouï-dire et de son exception la plus courante :
« Il est bien établi en droit que la preuve d’une déclaration faite à un témoin par une personne qui n’est pas elle-même assignée comme témoin est une preuve par ouï-dire, qui est irrecevable lorsqu’elle cherche à établir la véracité de la déclaration; toutefois, cette preuve n’est pas du ouï-dire et est donc recevable lorsqu’elle cherche à établir, non pas la véracité de la déclaration, mais simplement que celle-ci a été faite. »
[..]
[16] Quant à l’affaire Dion c. Bloc québécois, il s’agissait d’une action en dommages intentée suite à la publication d’un dépliant par lequel on voulait établir que l’argent associé à ce qu’on appelle le scandale des commandites soit passé par les mains du demandeur pour se rendre, entre autres, éventuellement dans les coffres du Parti libéral du Canada. Une requête pour retirer des pièces du dossier de la Cour a été présentée. La juge Cohen rappelle que chaque partie est maître de sa preuve. Elle évoque ensuite certains critères pour déterminer la pertinence et l’admissibilité en preuve des articles de journaux. Dans cette affaire, elle conclut que les articles de journaux ne feraient pas avancer le débat, car ils ne font pas preuve en soi. La juge craignait que la production de ces articles ouvre plutôt la porte à une preuve qui n’en finirait plus.
[17] Le contexte du présent litige est différent.
[18] En effet les articles de journaux qui sont allégués par la défenderesse ne sont pas utiliser pour faire la preuve des faits, mais pour établir les éléments dont la défenderesse a tenu compte pour agir.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/TwX3V9