Chanakya était le conseiller et premier ministre de l’empereur Chandragupta, fondateur de l’empire Maurya du nord de l’Inde. Il a aidé Chandragupta à renverser la puissante dynastie Nanda à Pataliputra, dans la région Magadha.
Son ouvrage le plus célèbre est Artha-shastra («La Science du gain matériel»), une compilation de presque tout ce qui avait été écrit en Inde jusque-là enrichie par sa propre expérience. Perdu durant des siècle, il fut retrouvé en 1905. Il traite de l’art de gouverner et de faire de la politique durant la période considérée comme la plus belle page de l’Histoire indienne. La politique mise en oeuvre étant reconnue comme un modèle de gouvernance.
Aristote, Platon, Sun-Tzu, Machiavel, Clausewitz, Bismarck, Hobbes,… la liste des noms auxquels on se réfère régulièrement lorsque l’on évoque Kautilya est impressionnante.
Voici quelques-une de ses pensées:
- Comme Marx (21 siècles plus tard), Kautilya pense que la religion est « l’opium du peuple ». Une force qui vise à dépolitiser les masses face au pouvoir étatique, réduisant ainsi le risque de rébellion, donc à utiliser…
- Comme Hobbes (19 siècles plus tard), il pense que la politique internationale est anarchique, le plus fort l’emporte toujours dans un environnement instable où les empires s’étendent et se contractent. Sur le plan intérieur, le pouvoir doit émettre des lois justes, clairs et respectées par la force si nécessaire.
- Ce dernier point revoit à Machiavel (18 siècles plus tard) qui prévient du risque pour le souverain d’émettre des lois injustes et subir la haine de ses sujets. Comme Machiavel encore, il prône le pragmatisme et l’intérêt national comme intérêt supérieur aux principes moraux. Il conseille ainsi ouvertement le développement d’un système d’espionnage complexe à tous les niveaux de la société et encourage l’assassinat politique et secret.
Mais à l’inverse de Machiavel, Kautilya ne prônera jamais l’expansion territoriale, une doctrine qui se retrouve encore aujourd’hui en Inde (et en Chine).
- Comme Clausewitz (21 siècles plus tard), il pense que la guerre n’est pas une extension de la diplomatie et doit se mener même en temps de paix (« la guerre subtile »). En bref, si on peut gagner, il faut aller à la guerre indépendamment des traités de paix signés antérieurement.
- Comme Thucydide (2 siècles plus tard), il pense que la demande de négociation est un signe de faiblesse et ne doit être utilisé que pour tromper son ennemi dans l’attente de le conquérir. Son conseil est de tuer le souverain adverse mais de traiter le peuple conquis avec respect en le laissant vénérer ses divinités pour mieux l’intégrer.
La contribution la plus significative de Kautilya en matière de politique étrangère reste sa «théorie du Mandala», selon laquelle nos voisins immédiats sont des ennemis, tandis que les États de l’autre côté de ses voisins sont des amis. Dans de nombreux cas, cette théorie semble correct, par exemple en essayant d’expliquer les relations compliquées entretenues avec la Chine et le Pakistan. Cette théorie est encore d’actualité et est une excellente grille de lecture même en dehors de la zone Asie.
Il est fascinant de voir l’apport de Kautilya à des idées qui apparaissent en Occident des siècles plus tard sans que ses contributions aient été reconnues à leur juste valeur.
Concluons avec la légende de sa mort qui n’est pas non plus inintéressante:
Kautilya ajoutait de petites quantités du poison dans la nourriture de Chandragupta, afin de l’immuniser contre le poison, de peur que quelque ennemi tente de l’empoisonner.
Cependant, ce dernier l’ignorant, il donna un peu de nourriture à sa femme qui était au neuvième mois de grossesse. Elle ne survécu pas mais Kautilya lui ouvra le ventre et sauva le bébé.
Ce bébé grandi et devint un empereur nommé Bindusara. Il avait un ministre nommé Subandhu qui n’aimait pas Kautilya. Il dit à Bindusara que Kautilya avait tué sa mère sans autre forme de précision.
Sans la connaissance de tous les faits, Bindusara demanda des explications à Kautilya. En apprenant l’histoire, Bindusara se sentit honteux de son emportement hâtif et implora le pardon. Il demanda à Subandhu d’aller s’excuser auprès de Kautilya.
Subandhu étant très rusé prit ce prétexte d’aller s’excuser pour approcher Kautilya et le tua. Ainsi se termina la vie d’un grand homme comme Kautilya pour de simples rivalités politiques.
Références:
- Chanakya
http://www.iloveindia.com/history/ancient-india/maurya-dynasty/chanakya.html
- Kautilya
http://www.britannica.com/EBchecked/topic/313486/Kautilya
- Book review: “The First Great Realist: Kautilya and his Arthashastra” by Roger Boesche
http://www.postwesternworld.com/2012/01/21/book-review-the-first-great-realist-kautilya-and-his-arthashastra-by-roger-boesche/