L’hypertension artérielle n’a rien d’anodin car elle est en même temps le symptôme de maladies graves, lesquelles peuvent n‘être pas encore détectées chez les personnes qui en souffrent : cardio-vascu-laires, rénales, diabète compliqué de troubles cardiaques et circula-toires et/ou néphrologiques - avec des conséquences gravissimes du fait de l’athérosclérose : cécité, insuffisance coronarienne et surtout la redoutable artérite des membres inférieurs qui peut conduire à l’amputation avec de surcroît un risque non négligeable de gangrène, les diabétiques étant tout particulièrement sensibles aux infections - en même temps qu’elle constitue un facteur d’aggravation de toutes ces affections chroniques. C’est dire que la décision de ne plus rembourser la prise en charge de l’hypertention artérielle à 100 % (RMC 2 novembre 2011) m’a fait sauter au plafond… Pour le « Jour des morts » elle tombe bien.
En effet, l’article d’Antoine Perrin m’apprend que le Conseil d’Etat a rejeté le recours déposé par des associations de patients : Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), l'association des accidentés de la vie (Fnath) et l'Alliance du cœur contre le décret n° 2011-726 du 24 juin 2011 « supprimant l'hypertension artérielle sévère de la liste des affections ouvrant droit à la suppression de la partici-pation de l'assuré mentionnée au 3° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale » (Legifrance) au motif « qu’elle constitue un facteur de risque et non une pathologie avérée »… Un tel décret constitue par avance un « permis d’inhumer » le plus rapidement possible.
J’indique pour mémoire la liste des signataires de cette infâme saloperie : François Fillon, Xavier Bertrand, François Baroin, Nora Berra. Non qu’elle soit de nature à vous surprendre mais pour fermer la gueule à tous ceux qui incriminent - déjà ! - le gouvernement actuel, cf. certains commentaires aussi stupides que de mauvaise foi lus sous un excellent article sur le sujet de Pauline Fréour sur Le Figaro Hypertension : le cri d'alarme des cardiologues (31 oct. 2012). Faut-y être stupide ! Comme si le Conseil d’Etat quand il est saisi d’un recours sur la légalité d’un acte administratif rendait son arrêt dans les semaines qui suivent sa parution au Journal officiel. Le délai est au minimum d’un an.
Elle signale donc la réaction extrêmement négative des cardio-logues - la Fédération française de cardiologie, la Société française de cardiologie et l’Alliance du cœur qui se sont exprimés dans un communiqué commun - « craignant que le recul de la prise en charge ne conduise les malades à moins bien suivre leur traitement et déplorent une décision qui va « augmenter de plus de 30 % les frais médicaux restant à la charge des patients concernés, et donc réduire la capacité des personnes n'ayant pas de mutuelle à suivre leur traitement ». Nous savons en effet que de nombreux patients ont renoncé à se soigner depuis déjà plusieurs années, faute d’une couverture sociale suffisante.
Ces cardiologues prévoient donc comme conséquence - ce qui tombe sous le sens - « une augmentation du nombre de personnes présentant des complications liées à l'HTA : accident vasculaire cérébral (AVC), maladie coronarienne, insuffisance cardiaque, dissection de l'aorte, insuffisance rénale et démences. Ils dénoncent une «volonté d'économies en parfaite incohérence avec les recommandations du plan de lutte contre les AVC 2010-2014, priorité de santé publique ».
Dans un autre article non moins intéressant du Figaro Hypertension artérielle : trop de patients s'ignorent encore Martine Lochouarn rappelait le 3 avril 2011 que bien trop souvent l’hypertension artérielle n’est détectée que tardivement lors même qu’elle a déjà commencé son travail de sape dans l’organisme des malades : « le tueur silencieux des accidents cardio-vasculaires » qui selon une étude publiée en février 2011 ferait dans le monde 7 millions de morts par an, avec 1, 5 milliard d’hypertendus prévus à l’horizon 2025.
S’agissant de la France, selon une enquête de l’ENNS (Etude nationale nutrition santé) de 2007 31 % des 18-74 ans sont hypertendus, le Pr Xavier Girard, cardiologue au CHU Pitié-Salpêtrière de Paris indique que « sur 15 millions d’hypertendus connus, 12 sont traités par des médicaments mais la pression artérielle - rappelons que l’on parle d’hypertension quand la pression artérielle maximale (systolique) est égale ou supérieure à 15 (elle peut dépasser 20 dans les cas graves) la pression minimale (diastolique) étant dans le cas d’HTA d’environ 10 (tension dite « pincée ») signe que les artères ont perdu leur élasticité normale - n’est contrôlée que chez la moitié : un hypertendu ne connaissant pas son état ».
Bien évidemment, le Conseil d’Etat n’avait pas à statuer sur le plan de l’opportunité médicale mais uniquement sur la légalité du décret. Selon ce que je lis sur un article de Romandie.Ch (quotidien suisse comme son nom l’indique) L'hypertension sévère ne sera plus remboursée à 100%, colère des associations (1er nov. 2012) qui précise que les plus hauts magistrats de l’ordre administratif ont considéré que le décret n’était pas illégal. Encore que les associations requérantes indiquaient qu’il avait été pris sans consultation démocratique. Faut-il entendre que le gouvernement de François Fillon n’avait pas pris l’avis des instances de la Sécurité sociale et des mutuelles ? Ce ne serait pas la première fois que Sarko & consorts auraient méconnu des avis nécessaires mais peut-être seulement consultatifs en l’espèce car le Conseil d’Etat n’eût certainement pas manqué de retoquer le décret pour « vice de forme » et/ou de procédure.
J’ai choisi d’ouvrir cet article parce que l’extrait publié sous le titre me permettait de prendre connaissance des motifs juridiques de l’arrêt (nulle surprise) mais également par malignité : il est toujours intéressant de connaître l’image que la France peut donner à nos amis suisses ! Pas fameuse, le plus souvent…
Or donc, ils sauront que les associations requérantes reprochent à l’Etat - s’agissant des hypertensions « sévères » ! - de « subordonner la liste des affections de longue durée à l’équilibre financier de la Sécurité sociale et à des considérations économiques et conjonctu-relles (…) alors que la crise économique ne peut justifier que l'on sanctionne les personnes malades en minorant leur prise en charge par l'Assurance maladie (…) la limite entre facteur de risque et pathologie leur paraissant un peu déplacée ».
C’est bien le moins que l’on en puisse dire. Elle intervient de surcroît au moment où Sanofi - entre autres labos qui ne cherchent que la « création de valeur » pour leurs seuls actionnaires et dirigeants - va fermer ses activités de recherche-développement à Montpellier et au moment même où les médecins généralistes ou spécialistes du « secteur 2 » - en n'ayant garde d’oublier les dentistes, défendent bec et ongles leurs dépassements d’honoraires souvent faramineux. Encore heureux lorsqu’ils ne demandent pas - en plus - des dessous-de-table : ne croyez pas que j’affabule, je le tiens de source sûre par des proches ou des professionnels de santé indignés du procédé, qui l’avaient appris de personnes qu’ils soignaient…
Enfin, je dirais que sur le plan de la stricte légalité, de telles mesures - qui à l’évidence prennent la santé des Français en otage en tant que variable d’ajustement des finances publiques autant que du profit des laboratoires - devraient être attaquées car elles méconnaissent gravement les principes établis par le Préambule de la Constitution de 1946 - auquel fait référence celui de la Ve République ce qui lui donne valeur constitutionnelle - lui-même issu des travaux du Conseil national de la Résistance, repris par le Général de Gaulle pour élaborer les ordonnance de 1945 sur la Sécurité sociale et la protection sociale lato sensu : « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
Pan ! Sur le bec de ces empaffés qui osent se réclamer de lui, n’est-ce pas, Fillon ? Mais il y a belle heurette que la Nation n’existe plus - de mon avis, le seul cadre pertinent pour maintenir et/ou restaurer feu « l’Etat -providence » hélas transformé en « Etat-pénitence »…
Feu l’Etat-providence car cette mesure s’inscrit de toute évidence dans les mauvais coups portés par l’ultraéralisme et la destruction programmée de la protection sociale lato sensu ainsi que du droit du travail : il ne doit pas rester pierre sur pierre sur ce que je nomme « chantiers de la démolition sociale ».
Mais pour faire bonne mesure je préconise que la connerie soit décrétée « grande cause nationale » devant faire l’objet de tous les soins. Malheureusement cela serait aussi onéreux qu’inefficace et l’argent public nous étant compté, nous devons en être « économes » comme le voulait Chateaubriand pour le mépris : « il y a trop de nécessiteux »…