L’Europe est aujourd’hui dans une période de flou artistique jamais connue auparavant. Y a-t-il encore quelqu’un qui à l’audace de penser que ce sont les dirigeants européens qui nous sortirons de cette crise ? Qu’ils ne s’offusquent aucunement d’une telle hypothèse, ce sont eux qui ont commencé les hostilités en nous décrivant – nous la jeunesse européenne – comme la génération perdue. Les politiciens étaient plutôt récalcitrants face à une telle formulation mais c’est finalement Mario Monti, poursuivant la tradition provocatrice des élites italienne, qui à ouvert le bal. Il explique très clairement que « la triste vérité est que le message d’espoir – en termes de transformation et d’amélioration du système dans son ensemble – ne pourra être adressé à des jeunes gens que dans quelques années ».
Le sacrifice d’une génération ne semble leur poser aucuns problèmes majeurs alors que nous pouvons très clairement leur en imputer les responsabilités. Il est très clair que les héritiers des créateurs de l’Europe ont réussi tout au mieux à devenir une coopérative de consommateurs fidèles. Ces mêmes créateurs ont grandi avec le traumatisme du conflit de la Seconde Guerre Mondiale et ont construit l’Europe en mutualisant leurs efforts ; c’est la que les élites politiciennes d’aujourd’hui ont échoué.
Elles ont vécu dans un contexte de sécurité et de prospérité avec une amélioration constante des conditions de vie. Comment passe-t-on d’un succès Européen à une spectaculaire dégringolade ? L’un des éléments de réponse se trouve dans l’état d’esprit de la classe dirigeante actuelle. Ils ont la nette conviction « d’hériter de l’Europe alors qu’ils l’ont simplement empruntée à leurs enfants ». Certains observateurs déclarent qu’il existe l’émergence d’une nouvelle classe sociale, jeune, sans avenir, condamnée, éduquée, qui n’a rien à perdre : précariat. Ce qui la caractérise aujourd’hui, c’est la colère qu’elle a envers le manque manifeste de respect que témoigne la classe dirigeante à son égard. Soyons néanmoins vigilants, cette colère ne doit pas s’adresser contre n’importe qui, surtout pas à autrui. S’attaquer à son voisin reviendrait à tenter d’éteindre un feu de camp avec de la vodka. Mieux, cette colère devrait pouvoir se transformer en courage. La nouvelle Europe devra faire en sorte de ne pas succomber à la compétition mortelle et fratricide mais plutôt de coopérer, de ne pas chercher le profit mais le développement durable.
Nous savons déjà qui ne saura pas créer la nouvelle Europe. Demander à nos dirigeants actuels de le faire c’est comme si on demandait à un sourd de disserter sur les variations de basses dubstep de Skrillex. Il ne reste alors que nous, la génération perdue. Celle qui voyage, connait la diversité en Europe, n’a aucune notion des frontières, aucun a priori et surtout l’envie d’avancer. « C’est une génération qui, de par sa situation désespérée, comprend ce que le grand philosophe tchèque Jan Patočka appelle la solidarité des ébranlés ».
Le rêve européen n’est d’en d’autres mains que les vôtres.