Cheveux au vent

Publié le 02 novembre 2012 par Gentlemanw

Petit matin, quelques marches encore, un quai de métro, un souterrain sans ciel, sans vraiment d’air, une rame arrive, stoppe, ouvre ses portes. Je me glisse sur un banquette.

Elles sont toutes là, des têtes dodelinant au gré des courbes, des montées et des descentes dans les entrailles de Paris. Point de looping, ni de grand huit, juste le chemin vers une autre station, sur toute la ligne, nous cheminons. Assises toutes ses personnes suivent le mouvement, elles ne m’apparaissent que dans leurs coiffures.


A droite une casquette de marin, des cheveux gris, sortis d’une marée ancienne, vogue vers son travail, dans un écrasement de sommeil, un éboulement le long de la barre métallique. Un crâne rasé, un homme jeune ou vieux, impossible de savoir la teinte, juste un peu de brillance, un verso au firmament des néons, de cette lumière sans vie qui nous berce toute.

A gauche, une chevelure longue, deux mains qui dénouent l’élastique, tirent et lissent les longs brins châtains. Je suis pris dans ce jeu de miroir invisible avec cette personne qui joue de volutes, agiles et précises pour remettre le fin lien élastique. Un, deux, trois tours et hop, une boule de cheveux remontée, et un mouvement impeccable, avant que ce barbu ne se retourne, ressentant peut-être mon regard insistant. Un homme aux cheveux longs, un samourai des temps modernes.

En face deux jeunes femmes, des cheveux courts, des coupes structurées et emportées par une vague pour l’une, glorifiée pour l’autre par un carré bien rond, comme une garçonne partant pour un charleston contemporain. Elles papotent, elles regardent les détails, sont-elles coiffeuses ? ou préparées pour un shooting photo ? récemment coiffées ? Elles rajoutent un barrette, changent de boucles d’oreille pour de grandes créoles argentées.

Devant encore, plus proche de moi, sur la banquette en face à face, une femme avec ses boucles, folles descendantes d’une permanente avec bigoudis. Une teinte délavée entre gris et violet, elle lit son journal jetable avec perplexité. Sa voisine est ailleurs, le visage plus dur, un foulard sur la tête. Aucun cheveu ne dépasse, un éclat de mode qui cacherait une maladie, du moins son traitement fort et impactant sur la féminité. Elle sourit en croisant mon regard, un lien complice peut-être, entre mes pensées consolatrices, et un nouveau départ avec élégance.

Des boucles encore, pas de rasta aujourd’hui avec son bonnet géant et ses dreadlocks colorés de perles de couleurs jamaïquaines, des cheveux lisses, du brun au blond, avec quelques châtains encore. Quelques cheveux gris, des tempes grisonnantes, un reflet dans la vitre, d’autres têtes derrière moi, je contemple ce monde de coiffure, de chevelure.

Un peu de chaque caractère, un peu de notre identité, de notre référentiel, même si certaines changent de tête souvent, et d’autres jamais. Je plisse les yeux vers un coin du wagon. Un belle rousse remet en place ses longueurs, elle caresse une mèche. Entortillant dans un sens puis l’autre, ce doudou personnel, elle partage sa douceur avec elle-même. Un geste si féminin.

Nylonement