Il est un espace de dénuement en soi. Où règne la lumière. Là-bas tout est paisible. On ne désire rien, on ne veut rien. Et quand on désire, on désire les choses les plus simples. On désire la terre assoiffée, les levures de la nuit et les empreintes d’un sourire oublié. Il veut y aller. Là-bas. Mais le bruit du monde le retient. Mais le bruit de son sang l’enserre. Parfois le souffle de cet espace l’effleure. Alors pendant un instant, il s’abandonne, à ses lueurs, à ses rythmes. La conscience se tait. Les mots se dispersent. La chair devient transparente. L’arbre se dépouille de son écorce. Il sait que cet instant pourrait durer indéfiniment. Mais il doit s’affranchir des bruits. Il n’y arrive pas. Pas encore. Un jour, il le sait, le souffle du dénuement se mêlera à celui de la mort. Et ils sèmeront dans les labyrinthes de ses blessures les aubes rocailleuses d’un premier jour.
Nous sommes emportés par le temps, des quilles qu’il détruit à volonté, la texture et la densité de nos corps indiquent une possible immortalité, tout corps se croit immortel mais le temps nous dérobe, à chaque instant, nous ne pouvons nous y inscrire que dans le façonnement de la matière, c’est ce que nous croyons, c’est ce que nous devons croire mais nous ne subsistons, au fond, que dans la mémoire, notre mémoire et la mémoire des autres, nous sommes ainsi, semblable à une créature de sable qui se délite lentement, à chaque pas nous perdons une peu de notre substance jusqu’à ce qu’il ne demeure que notre souffle, le souffle d’une absence, reconstruit par la mémoire, ainsi nous mourons toujours mais nous ne mourons jamais tout à fait, chaque homme est le dépositaire de la mémoire de tous les hommes, chaque homme rend possible la renaissance de ceux qui ne sont plus, chaque homme est un témoin, le témoin des paysages, des nuits et des étreintes, de son passage dans les paysages des nuits, nous sommes de la mémoire, de son souffle, elle est notre demeure, ciselée par les pulsions de l’éphémère.
Umar Timol.