Il y a quelques semaines, le livre de Nicolas Baverez a bénéficié de la promotion du Figaro Magazine et du Figaro, qui en ont publié de larges extraits, tout au bonheur de vanter un opus qui s'opposerait au déclin de la France.
Les constats que fait l'auteur sont indéniables. Il montre en effet que la France est en train de sombrer, qu'elle suit de près
le chemin tracé par les pays mis sous tutelle de l'Union européenne, de la BCE et du FMI, et que ses dirigeants et sa
population n'ont rien compris à la mondialisation.
Mais les remèdes qu'il préconise ne sont pas tous convaincants, loin de là. Sur le plan intérieur certains le sont. Sur le plan extérieur et monétaire, ils sont pour le moins sujets à caution.
Le déclin de la France a commencé il y a trois décennies. Au cours de cette période l'appareil de production s'est effondré, l'Etat s'est surendetté, un chômage permanent s'est installé.
Pendant cette même période, priorité a été donnée à la distribution de droits et d'allocations universels non financés; la
production et l'investissement ont été sacrifiés à la consommation et à la redistribution.
Pourquoi? Parce que le modèle économique et social reposait, et repose toujours, sur un déni des réalités:
"Il existe bien une schizophrénie nationale qu'il faut dissiper et qui prétend avoir les performances économiques de l'Allemagne avec un secteur public russe, un Etat-providence scandinave, une fiscalité italienne, un marché du travail grec."
Les options prises par le nouveau gouvernement socialiste français ne sont pas faites pour y remédier. En effet il va maintenir la loi des 35 heures, il a décidé le retour de la retraite à 60 ans, il refuse d'assumer la rigueur, il recourt de manière privilégiée aux hausses d'impôts sur les entreprises.
Les coûts du travail en France, n'en déplaise aux dirigeants socialistes français, et en dépit de leurs dénégations, ne sont
plus compétitifs. Et leur réduction passe par "l'augmentation de sa durée et par la baisse des charges, seule alternative à la diminution des salaires et donc du
pouvoir d'achat."
En réalité, si elle veut s'en sortir:
"La France doit faire le choix du capitalisme, car l'entreprise est la clé de la croissance, de l'emploi et de l'innovation, et donc de la puissance de l'Etat et de la souveraineté de la nation."
L'auteur dans la deuxième partie de sa phrase montre le bout de son nez social-démocrate...
Il est plus convaincant quand il écrit avec justesse:
"2 - 1 ne font pas 3 comme le postule la réduction du temps de travail; 2 + 2 ne peuvent faire 5 par le miracle du crédit; l'âge de la retraite ne peut baisser à mesure que l'espérance de vie croît; le capitalisme n'est pas viable avec une fiscalité qui pratique l'euthanasie du capital."
De même l'est-il quand il écrit:
"La mondialisation a permis le décollage des pays du sud et une baisse sans précédent de la pauvreté dans le monde. [...] Ni enfer, ni paradis elle est un fait historique qui doit être analysé au lieu d'être rejeté par principe."
Ou encore quand il écrit:
"[L'innovation] est le principal vecteur de la croissance mondiale, à travers l'économie de la connaissance, les technologies de l'information, la transition vers un mode de développement durable, l'adaptation au vieillissement démographique qui affecte également les pays émergents, à commencer par la Chine."
Il est d'autant plus surprenant qu'il écrive que "le temps de la dérégulation est clos", comme si les régulations nationales et internationales n'avaient pas cessé de perturber les signaux que donnent les marchés, favorisant les bulles et la crise.
Dans le même esprit, selon Nicolas Baverez, "l'Etat reste la clé de la sortie de crise dans la mesure où il détermine des équilibres de long terme fondamentaux dans l'ouverture des nations, dans les rapports entre les générations, dans la balance entre l'épargne et la consommation, entre le risque et la protection."
Ce n'est plus seulement le nez du social-démocrate qui pointe mais son corps tout entier...
Cela se confirme par les demi-mesures qu'il préconise pour ramener les comptes publics à l'équilibre. Selon lui, l'effort d'économie nécessaire "doit être mené à hauteur d'un quart par des hausses d'impôts centrés sur les ménages et de trois quarts par des baisses de dépenses", alors que, pour bien faire, il devrait se traduire par des réductions de dépenses publiques telles qu'elles permettraient même des baisses d'impôts.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'il soit favorable à la monnaie unique et à une plus grande intégration européenne; qu'il voit dans la désintégration de l'euro (ce "cheval de Troie des partisans d'un Etat central européen" comme le dit Philipp Bagus, auteur de La tragedia del euro) ce "qui plongerait l'Europe et le monde dans une grande dépression"; qu'il ait beaucoup de peine à devoir renoncer dans l'immédiat à l'instauration d'un gouvernement mondial, autre nom du mondialisme...
Nous savons bien en Suisse comment finissent les rêves d'empire et ce qu'il advient des libertés individuelles quand nous sommes
oublieux de la subsidiarité...
Francis Richard
Réveillez-vous !, Nicolas Baverez, 204 pages, Fayard