La crémation est à la mode. Au point qu’un article de Ouest-France, pourtant rarement conservateur, se dresse contre cette pratique répandue.
Tenue initialement par les athées, marquant par là leur foi en un nihilisme de l’âme et du corps, autorisée par l’Etat dès 1887, elle s’est peu à peu répandue, au point que l’Eglise, dans une compassion maternelle, l’accepte (décret De cadaverum crematione de 1963) si « elle n’est pas une mise en cause de la foi en la résurrection des morts » (Catéchisme de l’Église Catholique, no 2301).
Reste que la violence de l’acte, sans même parler de son bilan carbone, est particulièrement terrible et marquante. La décomposition accélérée d’un corps, dans une attente de près d’une heure 30 est décidée, voulue par les parents ou les exécutants de la volonté du défunt.Elle me paraît ainsi prolonger la philosophie contemporaine de maîtrise des éléments et de sa propre destinée, dans une indépendance à Dieu.
Sur le plan religieux, souvent parfaitement vide, cette attente crématoire sans prière nie l’espérance chrétienne, semble parfaire la volonté de l »homme par-dessus les forces mystérieuse de la Création dont nous faisons partie et refuse la parousie du Christ, qui, comme au jour de la Résurrection, fera se lever les corps dans la gloire de Dieu.
Sur les aspects psychologiques de cette mode, j’avoue n’avoir aucun autre élément de repère si ce n’est cette femme pleurant dans mon bureau il y a trois jours, à l’idée de devoir assister à une crémation… Et comme lu ici :
« Marie-Frédérique Bacqué, psychologue, va même jusqu’à évoquer « une violence atroce pratiquée sur le défunt ». De quoi s’agit-il ?
« D’une part des violences faites au corps aimé quand il est soumis à une chaleur de 1 200 degrés pendant plus d’une heure. Tout ce qui fut aimé (le visage, le corps, les mains et le regard, sans oublier les taches de rousseur ), tout ce qui fit l’objet des soins les plus constants et les plus assidus, tout est, au sens propre, pulvérisé, réduit à l’anonymat d’un tas de cendre.
« D’autre part : violences faites aux familles. Au crématorium, les familles attendent, dans une autre pièce, que les cendres leur soient données. Elles sont pétrifiées d’émotions alors même que le corps est enfourné juste à côté. Il faut que la crémation pulvérise le corps. Elles attendent et « imaginent » (sans trop vouloir y penser d’avantage) ce processus qui réduit le corps, le fait éclater, le disloque pour n’en conserver que des poussières de calcite.
« En troisième lieu : violence de la destruction immédiate d’un corps. Tout se passe « dans la foulée » du décès. Aussitôt mort, aussitôt mis dans le four, aussitôt réduit en cendre. L’opération de crémation n’est pas différée de quelques semaines ou de quelques mois et n’accompagne pas le lent processus de deuil.
« Finissons par les violences symboliques. De l’être aimé il ne reste rien de reconnaissable. Ni crâne, ni squelette, ni os. Rien sinon un amas de poussières. Le squelette n’est-il pas, dans l’imaginaire, le second corps du corps, l’ultime reste de la personne quand les chairs ne sont plus là pour lui donner consistance ? Ce corps, de « l’autre côté », dans l’autre pièce, se consume au point de devenir presque rien, trois-fois-rien.
« La violence symbolique tient à l’effacement de la singularité, des signes distinctifs comme si le mort n’avait jamais existé et qu’il ne devait rien laisser de sa vie. Et malheureusement, ce « désir de crémation », voulu pour ne pas gêner les familles, ne pas les encombrer, finit par provoquer plus de perturbations (liées aux violences évoquées) que de quiétudes.
« Dès lors, interrogeons-nous :
« le corps aimé est-il une simple enveloppe dont nous pouvons nous débarrasser au plus vite quand la vie s’en est allée ou est-il respectable, digne, pour être toujours porteur de la présence de celui qui n’est plus là ?
« Est-il mon outil d’existence, mon costume de visibilité, ma viande empruntée qui n’a plus d’utilité et de valeur quand il meurt ?Ou, au contraire, est-il ce qui reste de moi, la mémoire incarnée de toutes les sensations éprouvées, ressenties, vécues, comme un reste de visible pétri d’invisible ?
Et pour un chrétien, ce corps n’est-il pas élément créé par Dieu, abimé par le péché -ce péché qui nous empêche de « dominer la terre et de la soumettre de notre propre volonté-, et pourtant appelé à la résurrection, à l’image de celle du Christ ?