Dominique DROZDZ, français expatrié aux USA, est le Directeur de l’animation du studio Treyarch qui a développé Call of Duty Black Ops 2.
J’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer pendant le salon du Paris Games Week à l’occasion de la première présentation du jeu en France. Voici le résultat :
Moi :
Bonjour, enchanté de vous rencontrer. Je sais que vous êtes fan de surf, ça ne vous manque pas trop de ne pas pouvoir en faire sur Paris ?
Dominique :
Ah, c’est vrai, c’est une très bonne question en fait. Avant de partir, j’en ai fait autant que possible, j’en ai fait tous les matins avant les quelques jours précédant mon départ pour Paris parce que je me suis dit que çà allait me manquer après les quelques semaines passées dans ma ville natale. Mais c’est vrai que au niveau des vagues, çà manque un peu.
Moi :
Est-ce que pour faire votre métier il faut tout d’abord être un fan de FPS pour travailler sur un tel projet ou est-ce que cela viens tout naturellement au fur et à mesure de l’avancée du projet ?
Dominique :
En fait, il n’est pas nécessaire d’être un fan de FPS, ou même un fan de jeu vidéo. Il y a de plus en plus de monde qui vient du monde du cinéma, des artistes, des musiciens, on utilise des acteurs, des ingénieurs peuvent venir de différents horizons. Bien sûr, à un moment donné, il vaut mieux être joueur parce qu’on a une autre perspective mais c’est bien d’avoir un melting-pot de différents horizons qui se mélangent comme çà on arrive à avoir des influences différentes et on arrive ainsi à un résultat meilleur.
Moi :
BO2 va se dérouler en partie en 2025, dans un futur assez proche. Les technologies et les armements n’existent pas encore, et cela vous a-t-il créé des soucis techniques au niveau des animations ?
Dominique :
Du fait que le jeu se passe en partie dans le futur, il a fallu que l’on fasse beaucoup de recherches. On s’est inspiré de ce que l’on peut voir au cinéma. On s’est aussi inspiré de spécialistes dans les armes, ainsi que dans les questions géopolitiques afin de nous dire quelles pourraient être les tendances dans le futur. De ce fait, on a réussi à avoir assez d’informations pour créer des armes qui nous semblent être ce que l’on retrouvera dans le futur dans quelques années.
Moi :
Il y a donc un énorme travail de recherches en amont ?
Dominique :
Il y a en effet un énorme travail de recherches et d’inspiration. Au niveau des animations par exemple, il y a des techniques qui n’existaient pas encore il y a quelques années. Des spécialistes nous on montré comment manier les armes, quelles sont les techniques pour rentrer dans un immeuble ou une maison afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’ennemis. En fait, on utilise tout çà, mais on y ajoute également un peu de notre propre inspiration et de ce que l’on aimerait voir. Il y a donc forcément un petit côté Hollywoodien dans ce que l’on fait mais qui reste malgré tout très précis. Nous sommes encadrés par des spécialistes, et si l’on part trop loin dans une direction cinématographique, ils nous disent « non, non, çà ce n’est pas correct, il faut le faire d’une autre façon ».
Moi :
Je sais que vous avez utilisé la technique du Motion Capture. Combien de temps cela vous a-t-il pris entre les prises et le montage ?
Dominique :
On a effectivement énormément utilisé la Motion Capture pour BO2. On a fait plus de 120 jours de Motion Capture, contrairement à 70 jours pour BO. On a poussé encore plus loin notre effort afin de capturer ces performances d’acteurs, de cascadeurs, mais également d’animaux –un cheval notamment. Cà demande beaucoup de préparation chaque jour de Motion Capture, environ un jour ou deux de préparation si ce n’est plus. On a donc des réunions avec les Designers, on va décortiquer exactement ce que l’on veut, ce que doit être la scène. Parfois on a besoin de construire des éléments pour les acteurs et les cascadeurs interagissent. Ensuite, il y a beaucoup de travail en aval pour affiner ces animations et les rendre parfaites. C’est difficile à quantifier et de faire une moyenne, çà peut être parfois très rapide mais parfois çà peut prendre des semaines.
Moi :
Sur les Motion Capture des personnages, il y a énormément de points sur le visage. Auriez-vous une idée de combien ?
Dominique :
Je ne voudrais pas dire de bêtises, je ne me souviens plus du nombre exact. Mais nous avons ajouté plus de contrôles sur les visages afin d’apporter plus de nuances et de détails sur les animations faciales. Nous avons repoussé les limites de ce que l’on avait réalisé lors de la sortie de BO. C’est effectivement un plus sur BO2. Nous avons également rajouté des détails au niveau des textures. Nous avons également utilisé une nouvelle technique que l’on n’avait jamais faite jusqu’alors. Nous nous sommes rendu compte que si le visage des personnages était proche des visages des acteurs on obtenait de meilleurs résultats, notamment en les scannant dans certains cas. On les a donc modifiés pour apporter notre propre touche. On a ainsi atteint des performances extraordinaires.
Moi :
Pensez-vous avoir atteint la limite des performances possibles ?
Dominique :
Je pense qu’atteindre la limite c’est quelque chose que l’on a atteint à un moment donné. Donc maintenant oui, mais quand on regarde dans le passé, si on regarde 2 ans en arrière, dix ans en arrière, on se rend compte qu’il y aura beaucoup plus à faire dans les années à venir. Je pense que l’on ira encore plus loin.
Moi :
Aux vues des trailers, on ressent un gros travail de votre part.
Dominique :
C’est beaucoup, beaucoup de travail effectivement. C’est 250 personnes au point le plus fort de la production. Dans mon département, on avait jusqu’à 30 animateurs, ce qui est beaucoup plus que ce que l’on a jamais eu. On avait tellement d’animations, de datas qui venaient du studio de Motion Capture, on avait besoin de plus de monde pour travailler dessus.
Moi :
On vous verra dans 2 ans pour le prochain ?
Dominique :
C’est difficile de dire ce que sera le futur. Bo2 n’est pas encore sorti. Le focus est pour l’instant BO2, et voir surtout comment le public va réagir.
Moi :
Merci beaucoup Dominique.
Je tiens énormément à remercier Dominique pour son accueil, sa gentillesse, et sa tolérance face à ma modeste prestation. C’était en effet pour moi ma première interview. Et oui, je suis et je reste un grand timide, et cet exercice n’est vraiment pas mon domaine de prédilection. Encore merci à lui.
Dominique et moi en mode reporter