Ce livre recèle un grand nombre de beaux poèmes, très purs dans leur écriture et dans leur inspiration, et souvent pleins d’une mystérieuse spiritualité (dont l’objet n’est jamais nommé).
Le poème que j’ai choisi est issu du recueil Faux publié en 1975 par les éditions Arfuyen, et qui est je crois le premier recueil de son auteur.
« Tous nos papiers sont faux » est le premier vers de ce poème : papiers d’identité ou papiers des poètes ? Les deux lectures sont possibles.
Tous nos papiers sont faux
Nous avançons nus
à la grande frontière
sans même un mot
pour nous justifier
rien que notre fatigue
notre tremblement
notre étrangeté
à nous-mêmes suspecte
Nous ne savons plus notre âge
tout s’est passé en chiffres
nous n’avons pas vu le temps
souffler sur notre front
cette face brouillée n’est pas la nôtre
les photos sont toutes manquées
nous n’avons jamais connu
notre vrai visage
nos vrais yeux
l’expression de notre bouche
tout ce que nous savons
est pour notre confusion
La peau blanche comme un linceul
les cicatrices
nous ignorons le secret
de nos blessures
de notre indignité
nous avons survécu
nulle mission
nulle destinée
mais en nous la vague conscience
de trahir, d’avoir trahi
Ce pays n’est pas le nôtre
nous ne reconnaissons rien
ses chemins nous ont égarés
ses villes nous font peur
nous n’habitons pas ces jours de pluie
ces nuits sans sommeil
il n’est ici pour nous
ni demeure ni repos
Les maisons nous enferment
sans nous abriter
nous avons déserté, renoncé
nous nous souvenons
sans nul souvenir.
(…)
Pour terminer je donne deux autres courts poèmes de Gérard Pfister :
Un rien
dont toutes
choses ne seraient
que les miettes
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au silencieux
chaque mot
dit
le secret