Kris et Maël – Notre Mère la Guerre, Requiem

Par Yvantilleuil

À la guerre, tout le monde perd !

Ce « Requiem », qui prolonge «La Der des Ders» d’un tome supplémentaire, referme brillamment cette enquête policière qui permet de découvrir les méandres de la Première Guerre mondiale.

Alors que l’enquête semblait être sur une voie de garage avec l’extermination des principaux suspects par les Allemands et que le conflit touche tout doucement à sa fin, Kris et Maël invitent une dernière fois à suivre les pas du Lieutenant Vialatte. Alors que le mystère sur l’identité de l’auteur des cinq crimes odieux reste entier, Kris propose un ultime rebondissement à son histoire, permettant ainsi à Vialatte de clore son enquête. Si l’auteur livre toutes les réponses concernant l’identité du tueur et le pourquoi de ses agissements, le prix à payer s’avère néanmoins énorme.

Cette recherche de la vérité, qui n’était jusqu’à présent qu’un prétexte pour faire découvrir toute l’horreur de la guerre, permet une nouvelle réflexion sur l’utilité de cette guerre qui abandonne ses acteurs avec des blessures profondes et à la recherche d’une humanité qu’ils ont dû mettre à l’écart. Pour ces soldats rejetés par la population civile, qui ont perdus la plupart de leurs compagnons, qui reviennent du front physiquement et/ou psychologiquement mutilés et qui découvrent au passage l’infidélité de leurs femmes, les blessures de la guerre ne se refermeront jamais. Cette guerre n’a pas de gagnants, mais l’utilisation d’un héros narrateur, lettré et cultivé, aura cependant permis de coller les mots justes sur des événements qui ne le sont que rarement.

« Une histoire de guerre véridique n’est jamais morale. Elle n’est pas instructive, elle n’encourage pas la vertu, elle ne suggère pas de comportement humaniste idéal, elle n’empêche pas les hommes de continuer à faire ce que les hommes ont toujours fait. Si une histoire de guerre vous paraît morale, n’y croyez pas. Si, à la fin d’une histoire de guerre, vous vous sentez ragaillardi, ou si vous avez l’impression qu’une parcelle de rectitude a été sauvée d’un immense gaspillage, c’est que vous êtes la victime d’un très vieux et horrible mensonge. La rectitude n’existe pas. La vertu non plus. La première règle, me semble-t-il, est qu’on peut juger de la véracité d’une histoire de guerre d’après son degré d’allégeance absolue et inconditionnelle à l’obscénité et au mal. »

Les dessins de Maël combinent légèreté, sensibilité et élégance à une retranscription extrêmement réaliste de l’ambiance ravagée et froide de la guerre 14-18. Usant d’aquarelles en couleurs directes et jouant sur les nuances de quelques tons savamment choisis, l’artiste propose des planches de toute beauté qui dépeignent avec beaucoup de brio cette fresque violente.

Un « Requiem » qui confirme toute la qualité de cette saga dédiée à la Grande Guerre et en fait une référence en la matière.

Merci messieurs les auteurs !

Retrouvez cet album dans mon Top de l’année !

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