Festival du film coréen à Paris 2012, 2ème jour : les relations homme/femme des années 50 à aujourd’hui

Par Tred @limpossibleblog

Après la cérémonie d’ouverture la veille au soir, son attente, ses files folles et son film à grand spectacle, le Festival du Film Coréen à Paris, cru 2012, commençait véritablement mercredi. Après le chaland attiré par Lee Byung Hun et les millions du box-office, et les costards cravates attirés par le prestige du lancement, c’est maintenant que le cœur du festival prenait vie. Des courts-métrages, des comédies romantiques, du vieux film en noir et blanc, il y en avait pour tous les goûts dès le premier jour des festivités.
Adossés aux murs du Saint-André des Arts, des visages familiers se font déjà reconnaître, souriants, discrets, amicaux. A force de venir chaque année, un noyau d’habitués qui se retrouve d’édition en édition se détache, et les retrouver fait toujours plaisir. Pour attaquer le FFCP 2012, post faste d’ouverture, j’ai jeté mon dévolu sur l’un des films de la section classiques. « Madame Freedom ». Plus que jamais, les « vieux » films que le festival programme sont à suivre, car le bruit court que c’est la dernière chance pour ce trésor de programmation que sont les classiques. Maillon faible du festival en terme d’entrées chaque année, il n’était pas rare les années précédentes de se trouver une poignée de spectateurs seulement devant ces films, alors que l’opportunité même de découvrir de telles raretés sur grand écran est prodigieuse.
Les cinéphiles parisiens ne doivent pas être au courant que de tels films sont diffusés au cours du FFCP, sinon on les verrait venir plus nombreux (où est Plastic Man quand on a besoin de lui ?). Cette année, le festival tente donc le tout pour le tout avec une programmation réunie autour du thème « Parfum de scandale », ou une série de films ayant chacun, à leur époque, provoqué l’émoi en Corée. Le premier d’entre eux est également le plus vieux, « Madame Freedom », donc. Ou le parcours d’une femme au foyer coréenne dans le Séoul des années 50, épouse d’un professeur respecté et mère d’un garçon de 6 ou 7 ans. Lorsque notre brave mère au foyer va décider de travailler comme vendeuse dans une boutique chic, son monde va s’en trouver bouleversé.
Là où le film de Han Hyeong Mo fait mouche, c’est dans sa peinture de la société coréenne des années 50. L’histoire de cette femme va donner lieu à des scènes et dialogues proprement fascinants de la vie quotidienne séoulite de l’époque (« Oh, qu’elle est bien rangée cette vitrine, on voit bien que vous êtes l’épouse d’un professeur », dit la patronne à son employée, pour notre plus grand bonheur…). Le traitement des relations hommes/femmes, notamment, vu avec nos yeux français en 2012, amène de belles bouffées de rire. La libération de la femme passe par le rejet de la structure familiale classique. Ouste, le gosse, dégage de mes pattes !, que je me mette en quête d’un amant, avec tentations possibles entre le jeune voisin et le patron marié.
Certes le film est trop long, avec plus de deux heures au compteur, dont quelques séquences de danse particulièrement longues devant lesquelles je dois avouer avoir quelque peu piqué du nez. Mais ce que le film nous montre de la Corée des années 50 est trop précieux pour ne pas saluer le film, dont le portrait de la famille a sans l’ombre d’un doute choqué son époque, même si la morale reprend le dessus au bout du compte, et que l’épouse volage se verra punie de l’outrecuidance de son comportement. La bonne nouvelle, c’est que  nous étions près de trente curieux en ce mercredi après-midi pour découvrir « Madame Freedom », un beau chiffre pour la section classique, même si le problème récurrent du sous-titrage a tant agacé la spectatrice assise devant moi qu’elle a quitté la salle au bout de 25 minutes de film (il faut dire que des sous-titres blancs presque translucides sur un film noir et blanc, c’est dur à lire, et près de la moitié des dialogues sont ainsi restés invisibles…).
Après cette escapade old school, je me suis plongé devant mon premier film de la section « Paysages », « From Seoul to Varanasi », que l’on pourrait qualifier de drame social s’il fallait absolument le mettre dans une case. Mais il serait tout de même bien difficile de placer le film de Jeon Kyu Hwan dans une case, tant celui-ci cherche à expérimenter et à se démarquer dans la forme, probablement pour rendre le fond de son discours plus marquant. Le hic, c’est que la forme est tellement brouillonne qu’elle parasite le fond, voire l’annihile. Le film suit un couple, lui est éditeur, elle… elle fait du yoga pendant ses nombreuses heures perdues. Lui a une maîtresse, un des auteurs avec qui il travaille, tandis qu’elle rencontre un immigré canado-libanais avec lequel elle se lie d’amitié (finalement cinquante plus tard, certaines choses ne changent pas). Lui prend sa maîtresse dans toutes les positions imaginables tout en se demandant quel cadeau acheter à sa femme, pendant qu’elle s’intéresse naïvement à l’histoire de ce jeune homme étranger de confession musulmane.
Si le réalisateur semble avoir beaucoup de choses à dire sur ses contemporains, il y a tant de maladresse dans le sens du récit éclaté, les scènes semblant avoir été montées au hasard de toute chronologie possible, que « From Seoul to Varanasi » est vite lassant. Jouer avec la linéarité du récit c’est une chose, mais ne tirer aucune force, aucun atout, aucun sens de cet éclatement temporel pose problème. Jeon Kyu Hwan a beau tenter l’esthétisme, l’atmosphère, le mystère, la sexualité crue, la sauce ne prend pas. Le récit reste mou, les personnages, peu attachants. On navigue entre les scènes sans trop parvenir à s’ancrer dans cette histoire qui devient vite fumeuse et vaine. Le réalisateur va jusqu’à toucher du doigt le terrorisme, mais là c’est proprement inutile tant il semble mal maîtriser la caractérisation des personnages dans cet arc narratif (et les acteurs étranger du film sont loin d’être de bons acteurs…).
A la sortie, il me semble que le film a duré au moins 2h30 quand les 90 minutes ont été à peine dépassées. Je croise Kim Kyung Mook, le réalisateur mis à l’honneur par le Festival du Film Coréen à Paris 2012, venu présenter son premier long-métrage dans la salle d’à côté. Je reviendrai certainement sur lui dans un prochain billet…