Le Baiser

Publié le 01 novembre 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

….
Son regard effleure mon regard …
La douce tristesse de ses yeux me pénètrent, me transpercent
Nous avons travaillé de l’aube à la nuit tombée…
La sueur a collé nos vêtements , et la poussière mêlée à cette humidité
plaque nos chemises sur nos corps sales.
Je dépose mon panier, le dernier de cette longue, très longue journée. Le contremaitre
a sifflé . Dans quelques minutes il sifflera à nouveau, il ne fait que hurler les ordres, aboyer
les directives. Sa voix menace, stress, fait accélérer les mouvements …
Les chiens au loin quémandent leur pâtée… Les vaches meuglent rassasiées…
On entend les bidons lourds de lait des fermières s’entrechoquer …

…/…

Sa main frôle la mienne. Je ne sens, ni ses callosités, ni la froideur de sa main..
Je lève la tête. Ses yeux m’invitent. Une ébauche de sourire sur ses lèvres charnues. Je frémis…
J’ai froid, je tremble… je tremble… Mon corps tout entier semble revigoré… Il m’entraine au fond du hangar.
Je le suis. Je ne dis rien.
Les machines , les outils sont entassés au fond, dans l’attente du lendemain.
Il colle son corps contre le mien. J’aime instantanément son odeur … Enivrée je suis, docile, obéissante..
Je sens sa jambe gauche s’insérer entre les miennes. Il me pousse encore, doucement, lentement sans
quitter mon regard. Il ne parle pas… Quelques mèches de cheveux lui barrent le front.
Ses cils ont une longueur incroyable…
Le noir charbonneux de ses iris a l’effet d’une braise au creux de mon ventre …
Je sens ses doigts gourds, glisser sous ma chemise . Le contact de sa main m’électrise.
Oubliée la fatigue des 14 heures de travaux de la journée… Oubliés les autres salariés , oubliés les coups de sifflets
je ne vois que lui…Hypnotisée, irrémédiablement attiré par ce corps mince, jeune, aux muscles tendus..
Sa main se fait douce et ferme . Elle enserre la pointe de mon sein qui n’a plus connu la caresse depuis si longtemps…
J’ose glisser mes mains le long de son dos .. Frémissement de l’homme…
Pas de sentiment autre que le désir … Un regard, un besoin, une faim de corps ..
Il approche son visage du mien .. Je ne pense à rien. De ses deux mains, il attire mes lèvres contre les siennes.
Je sens son haleine, je me laisse faire … Il presse ses lèvres fines et fortes contre les miennes..
Je m’abandonne au baiser charnel … La force de mes bras l’attire plus encore contre mon corps .. ce corps
que je vis , si vieux, si mou, si gros… Il se laisse faire..
Ma langue, se fait mutine, le pénètre et glisse le long de ses dents. Je l’entends soupirer.
Son corps se tend, érectile, arrogant..
Le baiser…
Il me plaque violemment contre la batteuse. Un instant de douleur parcours ma colonne vertébrale.
Je ne cris pas , mais la morsure du métal froid, m’encourage à mordre ses lèvres… Sa barbe, piquante, dure fait
monter en moi une chaleur causée par la brûlure faite à mon visage… Baiser mordant, violent…
Plus rien n’existe autour de nous… Ni la saleté de nos corps, ni la laideur de la grange, ni les bruits de la ferme
Seuls nos corps symphonisent. Accord parfait sur les premières notes, sur l’ouverture de cette partition qui
ne se jouera qu’à deux et dont nous n’avons pas fixé la durée…
Je voudrais qu’il me serre, m’enserre à faire craquer mes os. Se sentir vivante… Encore une fois .. peut-être la dernière..
Son sexe se fait agressif, ses yeux sont plus noirs que la nuit sans étoile de cette fin de journée …
Je repousse son visage , lentement comme pour fixer l’instant sur pellicule. Il doit avoir 8 ou 10 ans
de moins que moi. Nous sommes aux antipodes des standards de la mode.. Il est jeune, beau, grand, fin, mystérieux
et n’a d’yeux que pour moi. Je suis vieille, grosse, de taille moyenne … je n’ai pas de regard de braise, pas de cheveux de soie, pas d’artifices ..
J’ose ma main contre son ventre. Ses reins se tendent, son ventre se creuse. Il me laisse faire, poussant le jeu jusqu’à défaire le premier bouton de son pantalon..
J’insère ma main que je sais froide… Corps velu, latin, chaud… La folie me guette.
Je sens que dans quelques secondes , je serai incontrôlable .
Désir partagé …. Ses mains partout sur mon corps . Mon corps le supplie…
J’ai envie de toi… Viens me souffle t-il … pas ici …
Je le suis…. Nous marchons côte à côte comme de parfait étrangers …
Nul ne peut deviner le feu qui brûle en nous en cet instant …
Je ne regarde personne. Mon esprit est ailleurs, mon cerveau s’amuse à dessiner nos corps enlacés,
la nudité, son corps, son sexe, sa bouche …

…/…

I.PERITO

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