C'est un livre passionnant que propose Alain Favarger en convoquant les mythologies américaines contemporaines. Quarante-six textes se succèdent dans Magnétique Amérique pour, comme le dit joliment la présentation, tenter « de faire vibrer un désir d'Amérique ». Un désir d'Amérique qui est aussi désir de littérature, et dans le contenu du livre, et dans sa forme.
Alain Favarger, né en 1953, est chroniqueur littéraire au journal La Liberté de Fribourg et l'auteur de quatre autres livres dans lesquels la culture occupe une grande place. C'est aussi par ce biais-là surtout qu'il aborde l'Amérique. Par le cinéma, la photographie, l'art moderne ou la littérature.
On croise donc au fil de ces pages quelques personnages-clés, lesquels ont façonné et proposé une image de ce pays qui n'a pas de nom, comme disait Jean-Luc Godard. A peu près. A moins qu'il ne parlait de ses habitants. Corrigez-moi !
Kerouac, donc, Nabokov, Malamud, Bukowski, Chateaubiand, Updike : écrivains invités. Pour le septième art, Favarger convoque Bacall, Bogard, Mickey Rourke, Ava Gardner, Liz Taylor ou Polanski. Les photographes sont représentés par Larry Clark, Robert Frank ou Mark Morrisroe. La peinture par Roy Lichtenstein ou Edward Hopper. Le rock par Patti Smith ou l'évocation du festival de Woodstock.
Quelques trajectoires singulières émergent aussi. Celle de Patty Hearst, riche héritière qui, transformée par le syndrome de Stockholm, a rejoint le camp de ceux qui l'avaient enlevée. Celle de Joyce Maynard, jeune fille séduite par un Salinger vieillissant. Celles de Mohamed Ali, de Nixon...
Il y a bien d'autres personnages dans ces textes. Ils ont en commun d'incarner une certaine destinée américaine et de nous proposer par leur œuvre, leur vie ou leur destin, à nous, Européens, des fables sur ce pays qui fascine depuis toujours par ses espaces immenses, son dynamisme, sa créativité, ses tumultes.
Cependant, rien de figé dans ces évocations. Il ne s'agit pas, pour Alain Favarger, d'établir un catalogue de caractéristiques. Pas plus que de dresser la carte d'un pays réel. L 'imaginaire l'intéresse plus.
Servi par une écriture de haute tenue, l'auteur s'intéresse à ce qui, venu de ce pays, nous a formé aussi, qui a créé une partie de notre identité. Ce qu'il retient de l'Amérique n'est pas un conservatisme inégalitaire ou une violence économique, clichés actuels, mais au contraire de la vivacité, et surtout le goût de la transgression. Ce qu'il veut en retracer, c'est l'histoire d'une culture énergique, vivifiante qui donne un supplément d'âme.
Il y a quelque chose de fondamentalement vivant dans ces images américaines qu'il manipule. Une énergie rebelle qui remue les certitudes et s'oppose à l'inertie. Une énergie dont les ennemis ont un nom.
Favarger les appelle des sépulcres blanchis (quatre entrées dans le livre). Ce sont des dissimulateurs sournois, morts spirituellement, intérieurement, et à l'apparence trompeuse.
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux par dehors, mais qui, au dedans sont remplis d'ossements de morts et de toute impureté. » (Matthieu 23-27)
Ne les rejoignons pas ! Lisons Favarger !
Alain Favarger, Magnétique Amérique, Editions de L'Aire