Beaucoup de monde fête Halloween aujourd'hui ; même en Australie où, comme en France, la fête a ses râleurs ("ce n'est pas notre tradition, c'est purement commercial !") et ses amateurs ("on s'en fiche, c'est marrant !"). Comme pour éviter le débat, ABC1 s'est piquée de lancer en ce même jour une comédie explicitement dédiée à Noël. Ca ne s'invente pas.
A Moody Christmas est l'histoire de Dan, un jeune photographe qui s'est expatrié à Londres, où il vit avec sa petite amie. Quand vient Noël, cependant, il prend chaque année la direction de l'aéroport pour partir retrouver sa famille à Sydney. Une famille comme il en existe tant d'autres, avec des personnalités variées, et tout plein d'histoires. Dan a deux frères et une soeur, et tous ont atteint l'âge adulte, mais chacun vit différemment et, être le seul à habiter désormais loin du domicile des parents, forcément, ça n'aide pas à s'intégrer alors qu'on est déjà le petit dernier de la famille.
Dans A Moody Christmas, nous allons suivre, chaque année, un Noël différent de la famille Moody, et donc un calvaire de plus pour Dan.
Car comme chacun sait, la famille, on ne devrait jamais la rencontrer pendant les fêtes de famille.
Dans ce premier épisode, toutefois, tout ne commence pas sur le ton de la plaisanterie : Dan pensait faire le voyage avec sa petite amie, or celle-ci le plaque là, juste avant l'embarquement (très classe, au passage). Triste, fatigué, et peu motivé, Dan fait donc le trajet jusqu'à Sydney où sa famille ne va lui laisser aucune seconde de répit, ce qui n'arrange rien ; et le délire de ces personnages hauts en couleurs qui composent son arbre généalogique va progressivement devenir intolérable pour lui.
Mais il n'est pas question ici, ou si peu, d'offrir des personnages unidimensionnels. Nombreux sont ceux qui au contraire, par leurs paroles autant que leurs actes, vont dévoiler quelque chose de très sincère sur les membres qui composent une famille. On est dans un contexte où tout le monde est réuni pour faire la fête, mais où chacun arrive avec ses antécédents, des dynamiques particulières, et des souvenirs à propos des autres. Quand la soeur de Dan annonce en grande pompe qu'elle est enceinte, et qu'elle et son mari en font tout un foin (oh, ça va finir sur STFUParents, ça...), craignant même d'être éclipsés par le fait que la mère de Dan a eu un cancer et qu'elle est en rémission, on a par exemple un moment très vif pendant lequel, en trois lignes de dialogues à peine, on fait vivre tout un tas de vieilles rancoeurs, de frayeurs familiales et d'ego froissés, et cela en dit long sur l'histoire de cette famille comme de ses membres. Le travail fait sur plusieurs minuscules scènes (le mari de la future-maman se versant à boire, l'oncle officier des douannes et sa façon de toujours placer des nationalités exotiques dans sa conversation, la grand'mère convaincue que ce Noël-ci sera cette fois vraiment son dernier Noël, etc...) permet de finalement raconter, en une journée, la dynamique de toute une année, de toute une vie.
Et du coup, ce qui est le plus surprenant dans A Moody Christmas, c'est que derrière le côté résolument comique et léger (le pauvre gars qui retrouve sa famille de fou dont il s'est soigneusement mis à l'écart le reste de l'année), derrière les tempéraments agités de beaucoup des membres de la tribu Moody, derrière les conversations incessantes typiques des réunions de famille où tout le monde se parle et prend des nouvelles dans une espèce d'hystérie collective des grands jours, se cache aussi une dramédie qui fait mouche.
Ainsi, la photo qui orne le mur de la maison parentale cache une histoire à la fois originale et extrêmement touchante, qui en dit, à demi-mots, énormément sur Dan. C'est même tellement sombre qu'on n'ose y croire, en fait, vu le contexte de l'épisode lui-même.
A Moody Christmas est bien plus qu'une comédie ; c'est une très intelligente radiographie d'une famille donnée, ne ressemblant à aucune autre, mais pas forcément éloignée des nôtres, qui sous les apparences humoristiques, exagérées ou parfois extrêmes (l'intrigue du frère qui veut absolument récupérer sa tondeuse chez le réparateur, qui est évidemment fermé en ce jour de fête), raconte quelque chose de très vrai sur la famille, et sur la famille dans un jour peu ordinair... mais pendant lequel il est difficile d'être la famille de carte postale qu'on n'est pas le reste de l'année.
Evidemment, je plaisantais plus tôt à propos du timing de la série, mais vu qu'elle va s'achever à temps pour Noël, elle va progressivement devenir plus de saison à mesure qu'on progressera dans... la saison. C'est certainement un des indices qui me laissent bon espoir pour la série, sur la progression à laquelle on peut s'attendre quant à sa façon de creuser les personnages, leur background et leurs relations passées, présentes et à venir.
Je ne pensais pas que ce pilote serait aussi solide sur le fond, même si sur la forme il est parfois légèrement bordélique, et au final, je ne suis pas loin du coup de coeur...