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L’Islande: comment un pays a refusé l’austérité et s’est battu pour la démocratie

Publié le 31 octobre 2012 par Eldon

© Inconnu

A défaut d’écouter tous les économistes de talent qui depuis le début affirment haut et fort que l’austérité ne mène nulle part et qu’il convient de se pencher avant tout sur la légitimité des dettes, Michel, Angela, François et consorts feraient bien de voir ce qui se passe ailleurs.

Ce sont les vertus du droit comparé. Ça se passe au nord. En Islande. C’est ce qu’on appelle désormais le modèle islandais. C’est autre chose que le modèle allemand. L’Islande ou le pays qui a refusé  l’austérité et s’est battu pour la démocratie.

Sauver les banques, responsables avec la troïka de la crise et il faut être aveugle pour ne pas le voir, n’a pas été le souci des Islandais.

La politique d’austérité? Non merci.  Les Islandais ont eu l’intelligence de ne pas écouter ceux qui depuis toujours proposent des solutions aux problèmes qu’ils créent sans fin.

Et alors que la Grèce, L’Italie, L’Espagne et le Portugal, s’enfoncent dans la crise à coups de réformes qui sont autant de coups  de massue, L’Islande renaît de ses cendres.

Résultats pour  la Grèce,  l’Espagne, le Portugal, l’Italie, La France même?  Augmentation de la dette, récession, augmentation du chômage, paupérisation, services publics sacrifiés.

Résultats pour l’Islande? Un taux de croissance de 2,7% en 2012. Même le FMI a été contraint de saluer ce redressement, Mme Lagardexemptéedimpôts ne s’en est pas toujours remise, elle en fait des cauchemars la nuit.

Islande, belle Islande, quel est ton secret?

Premier épisode: la chute

Comme tous les autres  pays européens, l’Islande a été gravement touchée par la crise en 2008. La spéculation financière a conduit les trois principales banques du pays à la faillite, le taux de chômage a été multiplié par neuf alors que le pays était pratiquement en situation de plein emploi et qu’il ne compte que 320 000 habitants. La dette a représenté alors 900% du PIB et la monnaie a dû être dévaluée de 80% par rapport à l’euro, le  PIB a chuté de 11% en deux ans.

Bref, les Islandais étaient au fond du seau, le pays ruiné, les infrastructures publiques au tapis.

Deuxième épisode: les solutions

La première solution fut apportée par le gouvernement en place, dont les membres n’eurent même pas l’idée de démissionner et reconnaître ainsi l’échec de leur politique, leur laisser-faire voire leur complicité coupables, leur incurie la plus totale.

Elle a consisté à consulter le Docteur FMI, le Landru des populations en détresse, qui conformément à sa doctrine ultra-libérale lui a proposé une aide de plus de 2 milliards de dollars en échange de mesures d’austérité dont chacun peut apprécier le contenu.

Mais c’était sans compter sur le peuple islandais, qui par une mobilisation sans précédent, a contraint la bande d’incapables  à la démission et a octroyé lors d’élections anticipées,  la majorité absolue à la gauche.

Oh, les Islandais se sont serrés la ceinture, ont fait des concessions, déchanté, mais ont toujours refusé les alternatives malhonnêtes et injustes.

Le nouveau pouvoir a pourtant adopté à l’époque la loi « Icesave », nom de la banque en ligne privée qui fit faillite et dont les épargnants étaient pour la plupart hollandais et britanniques, afin de rembourser les clients étrangers. Les Islandais se retrouvaient à devoir rembourser une dette de 3,5 milliards d’euros (40% du PIB) – 9000 euros par habitant – sur quinze ans à un taux de 5%. Une paille.

Face a la bronca occasionnée par cette mesure, le président a refusé de ratifier le texte et a organisé un référendum  (prends-en de la graine, Paquito): 93% des Islandais ont refusé la mesure, qui remaniée, a été rejeté une deuxième fois dans les mêmes conditions à 63%.

De plus, une nouvelle Constitution, rédigée par une Assemblée constituante de 25 citoyens élus au suffrage universel parmi 522 candidats, a été adoptée en 2011. Elle prévoit un droit à l’information, avec un accès public pour les documents officiels (Article 15), la création d’un Comité de contrôle de la responsabilité du gouvernement (Article 63), un droit à la consultation directe (Article 65) – 10% des électeurs peuvent demander un référendum sur des lois votées par le Parlement –, ainsi que la nomination du Premier Ministre par le Parlement et non plus par le Président qui apparaît ainsi comme un Président au-dessus de la mêlée. 

Enfin, tous ceux qui ont triché, spéculé, manigancé se sont retrouvés seuls face à leur turpitude sans pouvoir faire payer par d’autres que eux-mêmes les conséquences de leurs actes pervers.

- Lorsqu’en 2008, les trois principales banques du pays, Glitnir, Landsbankinn et Kaupthing se sont effondrées, l’Etat islandais a refusé d’y injecter des fonds publics, comme dans le reste de l’Europe. Il a au contraire procédé à leur nationalisation.

- Les ménages islandais ont été aidés par un accord entre le gouvernement et les banques d’effacer les dettes excédant 110% de la valeur de leur maison.

- En plus de ça, en 2010, la cour suprême du pays a jugé illégale l’indexation de prêts sur des devises étrangères, signifiant que les ménages n’ont plus à couvrir les pertes liées au change

- Depuis fin 2008, les banques ont effacé une part de la dette de leurs clients, pour un montant équivalent à 13% du PIB, allégeant l’endettement de plus de 25% de la population.

- De la même manière, les banques privées ont été contraintes d’annuler toutes les créances à taux variable dépassant 110% de la valeur des biens immobiliers, évitant ainsi une crise de subprime comme aux Etats-Unis.

- Quant aux responsables du désastre – les banquiers spéculateurs qui ont provoqué l’effondrement du système financier islandais –, ils n’ont pas bénéficié de la mansuétude observée dans le reste de l’Europe ou certains même ont été promus et pas qu’un peu comme M Draghi. En effet, ils ont été poursuivis par la justice et mis en prison, par Olafur Thor Hauksson, Procureur spécial nommé par le Parlement. Même le Premier Ministre Geir Haarde, accusé de négligence dans la gestion de la crise, n’a pu éviter un procès. Il a été déclaré coupable, en avril 2012, par un tribunal spécial qui n’a retenu aucune sanction à son encontre.

Troisième épisode: les résultats

Ils sont spectaculaires. Alors que l’Union européenne se trouve en pleine récession (+0,2 dans la zone euro prévu n 2012… c’est pour pas dire « zéro ») , l’Islande a bénéficié d’un taux de croissance de 2,1% en 2011 et prévoit un taux de 2,7% pour 2012. Le taux de chômage oscille autour de 6%. L’Islande a même  procédé au remboursement anticipé de ses dettes auprès du FMI.

Les prix du logement sont maintenant inférieurs de 3% par rapport à septembre 2008, juste avant la crise.

Le site américain spécialisé dans l’économie Business Insider a en novembre 2011, recensé 15 raisons pour lesquelles l’Europe devrait regarder de plus près comment l’Islande ( en anglais) s’est remise en ordre de marche trois ans après la crise de 2008.

Par ailleurs, les responsables de la crise sont poursuivis:

Le procureur spécial islandais a dit que 90 personnes pourraient être condamnées, et 200 autres, dont les anciens PDG des trois plus grandes banques du pays, doivent répondre d’accusations au pénal. Ainsi, Larus Welding, ancien PDG de ce qui fut la 2e banque du pays, a été condamné en décembre 2011 pour avoir octroyé des prêts illégaux et attend son procès.

Rien de tout cela aux Etats-Unis, où aucun dirigeant de banque n’a été poursuivi pour son rôle dans la crise des subprimes. La Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur de Bourse américaine, a seulement « sanctionné » 39 dirigeants. (voir article)

Le bilan

Dans cette politique, on retrouve (enfin)

- de la démocratie: un référendum, une  nouvelle constitution rédigée par une assemblée constituante, un contrôle effectif du pouvoir

- du bon sens: depuis quand est-ce que le peuple doit rembourser des dettes privées? C’est indispensable? Alors on nationalise

- de la justice: les responsables de la crise sont poursuivis

-de l’intelligence économique et un principe de base: l’économie doit être au service de la population et non à celui de la finance et des marchés

- des résultats

Il y a donc mesdames et messieurs, une  alternative crédible aux politiques d’austérité appliquées à travers l’Europe qui se  révèlent économiquement, politiquement et socialement coûteuses et inefficaces.

Les économistes orthodoxes ultra-libéraux, depuis leur position confortable et monopolistique,  affirment que le modèle islandais  n’est pas transposable:

-  l’Islande est un petit pays: tiens, alors pourquoi devons nous aller vers plus de fédéralisme et un pseudo Etat européen dirigé par des fonctionnaires nommés, qui plus est?

- L’Islande n’a pas l’euro: tiens, alors pourquoi ne pas en sortir, ce serait logique. L’euro est-il si indispensable que cela? On l’affirme mais personne le démontre autrement qu’en présentant des hypothèses alarmantes

- L’Islande possède une banque centrale qui peut agir comme prêteur en dernier ressort: tiens , alors pourquoi ne supprime-t-on pas la loi de 1973 qui impose que les banques centrales prêtent à 0% aux banques qui reprêtent aux Etats avec des taux d’intérêts? (oui, oui, c’est incroyable, mais c’est vrai)

- Ailleurs en Europe, il y a un manque de confiance des marchés financiers dans la capacité des États à régler le déficit de leur dette publique: tiens, alors pourquoi ne pas s’émanciper des marchés avec la suppression de la loi de 1973, faire un audit de la dette pour voir ce qui relève d’une dette et non pas d’une escroquerie, mettre les marchés au pied du mur en développant une véritable politique contre les paradis fiscaux, la fraude, les transferts d’argent?

- les faillites des banques provoquerait une crise majeure: faux, pas si comme en Islande, on les nationalise et si les banques centrales procèdent au financement de l’économie.

Mais de toute façon, la meilleure conclusion est tirée par les Islandais en personne: Les Islandais ne veulent pas adhérer à L’UE…

 A voir: reportage de Canal+ sur le référendum

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A voir également: Redressement de l’Islande: une vérité qui dérange

Sources: Opéra Mundi (en portugais), traduit par Mondialisation CA - Café de la Bourse


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