L’année dernière, à la même époque, Showtime annonçait le renouvellement de Dexter pour 2 ultimes saisons. Et bien ça y est on y est. Après un cliffhanger à couper le souffle et 9 mois d’attente insupportable, notre serial killer préféré (ce qui sous-entend qu’il y en a d’autres qu’on aime bien, mais un peu moins) est de retour sur les écrans américains. Succès à la fois critique et populaire, Dexter est une mine d’or pour la chaine câblée qui enregistre chaque saison de nouveaux records d’audience. En annonçant la fin de sa série phare, Showtime s’est, certes, offert un coup marketing mais maintenant il va falloir assurer. Car beaucoup de séries se sont cassées les dents en essayant de tirer sur la corde du succès. Quel est le secret pour ne pas tomber dans le syndrome de « la saison de trop » ?
Depuis toujours, les auteurs s’inspirent des règles du soap opera pour les appliquer aux dramas (cf. Une famille en Or Noir). Et en matière de longévité, les auteurs de soaps n’ont de leçons à recevoir de personne. Citons en vrac The Bold and the Beautiful (Amour, Gloire & Beauté), 25 ans, The Young & the Restless (Les Feux de l’Amour), 39 ans ou encore Days of our Lives (Des Jours et des Vies), 47 ans. Plus l’histoire est simple et plus il y a de personnages récurrents, plus il est facile de se renouveler. Prenons des séries comme Urgences (15 ans) ou la franchise Law & Order (Law & Order – 20 ans, Law & Order SVU – 14 ans, Law & Order Criminal Intent – 10 ans). Le pitch de ces séries est d’une banalité affligeante : des histoires de flics ou de médecins qui enquêtent ou soignent, se marient, trompent leurs époux, deviennent alcooliques ou toxicomanes, vont mieux, rechutent. Bref, rien de très révolutionnaire. Les personnages principaux sont multiples et introduits de façon progressive. Tous ne sont pas présents à chaque épisode et la série n’est pas dépendante d’eux. Les producteurs peuvent donc les faire partir, revenir ou mourir à loisirs. Si la structure de chaque épisode est extrêmement répétitive, il n’y a pas d’effet lassant sur le téléspectateur. Urgences a survécu au départ de (George Clooney) et Anthony Edwards (Dr Mark Green) parce qu’entre-temps, les auteurs avaient introduits suffisamment d’autres personnages pour que la série ne repose pas uniquement sur les stars des débuts. En 20 ans, Law & Order (New York Police Judiciaire) a mis en vedette 11 inspecteurs et 12 adjoints du procureur différents sans que l’audience n’en souffre.
Pour quelques dollars de plus. Plus le concept de la série est fort, plus il est difficile de faire durer l’histoire. Lost est caractéristique de cette manie de délayer sur six saisons une histoire qui aurait pu être racontée en deux. En 6 ans la série a perdu presque 6 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis et JJ Abrahms, le showrunner de la série s’est même excusé de la qualité médiocre de sa saison 2 en promettant une saison 3 bien meilleure. Si effectivement, elle l’était, elle aurait dû être la dernière. Prison Break est la série qui n’aurait jamais dû durer. Le concept est brillant mais ne peut pas se renouveler. Ils s’évadent ou pas, point. Mais passer 3 ans (oui il y a eu 4 saisons !) à les balader à travers les Amériques, les remettre en prison de temps en temps et voir s’ils peuvent se ré-échapper n’a aucun intérêt. D’autant que Michael Scofield (Wentworth Miller) n’ayant pas un dos extensible, le plan du pénitencier de Fox River ne lui sert plus à grand chose une fois enfermé dans une prison au Panama ! Quand une série rapporte des millions de dollars, on comprend bien que les producteurs aient envie de faire durer mais quand on a plus rien à raconter, il faut s’arrêter. Un qui a bien compris la leçon (enfin on espère) c’est Tim Kring, le créateur de Heroes. Lors de son lancement en 2006, la série est un phénomène planétaire et le monde entier arbore des t-shirts « Save the Cheerleader », hurle « Yatta ! » à tout bout de champ, comme Hiro Nakamura (Masi Oka) et rêve de faire un tour dans les airs sur les épaules de Nathan Petrelli (Adrian Pasdar). 4 ans plus tard et deux fois moins de téléspectateurs, NBC annule la série dans l’indifférence générale et personne ne se souvient si Sylar (Zachary Quinto) a finalement fait exploser le monde ou pas. La saison 1 a mis la barre très haut en terme d’écriture et de construction, car il n’y avait aucune volonté de faire durer. Même si le cliffhanger du final de la première saison est spectaculaire, Tim Kring n’avait finalement plus grand-chose à raconter et ça s’est vu.
Quitter avant d’être quitté. Les adieux à des personnages qui accompagnent nos soirées pendant des années sont toujours difficiles. Mais il vaut mieux s’arrêter en pleine gloire plutôt que d’être forcé de le faire et devenir un has-been. Présentée comme la nouvelle Urgences, Grey’s Anatomy a tout basé sur son cast et n’a pas anticipé son renouvellement. Très vite on a fait le tour des petits problèmes du personnel du Seattle Grace Hospital et on a commencé à tourner en rond. Du coup, le public s’est désintéressé de la série qui a perdu plus de 7 millions de téléspectateurs. Ses auteurs misent depuis 3 ans sur des finals spectaculaires mais font trainer des histoires sans intérêt la saison qui suit. Alors que les finals des 3 premières saisons avaient réunit plus de 22 millions d’américains, celui de la dernière saison n’a même pas atteint 10 millions. 24 aurait pu faire la saison de trop, si Kiefer Sutherland n’avait pas mis la pression aux producteurs à la fin de son contrat. Les actrices de Sex and the City, devenues trop gourmandes ont sans doute précipité la fin de la série, alors à son apogée. Et les audiences toujours en chute de Desperate Housewives ont vraisemblablement sauvé la série d’une catastrophe scénaristique (quoique ? cf. Fans délaissés, désespérés). Mais toutes ces séries ont échappé à la désertion du public et son désintérêt total.
Malin, l’assassin ! Annoncer, avant que le public ne vous quitte, qu’une série va s’arrêter, c’est la garantie d’une audience forte pendant toute une saison et souvent un record pour le final. Les producteurs de Dexter qui sont les rois du marketing, l’ont bien compris. Et en annonçant 2 ans avant, la fin de la série, ils s’assurent donc le double en audience. Toujours sans spoiler (mon 11e commandement), les auteurs ont vraiment mis le paquet sur la fin de la saison 6. Impossible de ne pas trépigner en attendant la suite. En fait, la dernière saison va durer 24 épisodes[1]. Scott Buck, le showrunner de la série ne s’en cache pas, dans une interview à Entertainement Weekly, il dit avoir le temps de 2 saisons pour conclure son histoire. Pourquoi ne pas s’arrêter à la saison 7 alors ? Ben, quand on sait que le premier épisode de la pénultième saison a réuni plus de 3 millions de téléspectateurs, devenant ainsi l’épisode le plus regardé de l’histoire de la série, que les poupées, sous-verres, t-shirts et autres produits dérivés labellisés Dexter ont rapporté, depuis sa création, plusieurs milliards de dollars, on a un début de réponse. Mais en prenant 2 ans pour conclure, les auteurs de Dexter prennent le risque d’élever les attentes d’un public rarement tendre quand on le prive de ses héros, tout en étant obligés de délayer une intrigue qui aurait pu (dû ?) être racontée plus vite. Et Dexter, série déjà culte, ne peut pas se permettre de décevoir. Au vu des premiers épisodes de la nouvelle saison, on est quand même bien contents qu’ils fassent durer le plaisir et on en redemande. Prisonniers volontaires d’un marketing implacable. Bon sang, ils sont forts ces Américains !
[1] Chaque saison de Dexter est composée de 12 épisodes