Dans les 30 mesures du programme du parti socialiste de 2011, il était prévu une TVA "éco modulable" : "les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus seront frappés d'une TVA plus élevée et inversement ... Cette mesure se fera à recettes constantes, sans augmenter globalement cet impôt".
Alors que le gouvernement cherche des outils de politique publique pertinents, cette nouvelle fiscalité est-elle utile? Comment l'ajuster au contexte actuel?(*)
Cette idée souffre en effet de quelques éléments de fragilités.
Une mesure à recettes constantes?
La promesse de ne pas augmenter globalement la TVA suppose une TVA réduite d'un côté pour les produits éco-compatibles et une TVA augmentée pour les produits les plus polluants.
Au-delà du problème de la définition des seuils (et des inévitables bagarres en lobbying qu'elle entraînera), on verra apparaître rapidement l'impossibilité d'équilibrer les recettes et les dépenses de l'opération. Le bonus-malus automobile a montré, à cet égard, cette impossibilité.
Multiplier les différents taux de TVA?
La France possède actuellement 4 taux de TVA différents (normal, réduit 5,5%, intermédiaire 7%, spécifique 2,1%). Or, la législation européenne n'autorise que deux taux de TVA réduits. Notre pays ne possède donc plus aucune marge de manoeuvre en ce domaine.
La compatibilité avec les règles européennes nous oblige donc à faire le deuil du projet de TVA éco modulable, du moins dans l'état actuel du projet.
Mais il n'est pas interdit de conserver l'idée d'éco-modularité et de l'appliquer à d'autres dispositifs fiscaux. En effet, ce principe permet une grande souplesse d'application dans les différents domaines économiques où les transitions écologiques deviennent des nécessités.
Comment l'utiliser alors? Dans le cadre de système de malus appliqué à un produit spécifique: l'exemple de l'achat d'automobiles neuves est une référence particulièrement intéressante dont nous devons nous inspirer. On pourra alors construire, au cas par cas, des systèmes de bonus-malus applicables à chaque situation et à chaque type de produit : le bâti, l'énergie, les mobilités, les produits manufacturés, ...
On propose d'appliquer cette démarche en y rajoutant quatre mécanismes complémentaires:
-une éco-modularité progressive : pour ne pas créer d'injustices, de tensions et de difficultés économiques, le malus sera, au départ, très faible mais sera promis à une augmentation inexorable.
-une éco-modularité connue: pour ne pas déstabiliser les marchés et les choix rationnels des acteurs économiques (entreprises et consommateurs), l'augmentation du malus sera connue et aura été voté par le législateur. Il serait préférable que cette augmentation soit déterminée pour cinq à dix ans. Cette progression connue et progressive sera un atout en cas de contentieux avec la jurisprudence européenne.
-une éco-modularité compensatrice: la transition vers des mécanismes et des outils éco-compatibles nécessitent des investissements. Les recettes des malus doivent servir intégralement à financer les bonus donnés aux acteurs qui investissent dans le même secteur.
-une éco-modularité auto régulatrice: le succès du bonus-malus automobile a entraîné un déséquilibre entre bonus et malus qui a eu un coût important pour les caisses de l'Etat. Il faut donc prévoir, annuellement, une évolution des bonus distribués en fonction des investissements des acteurs: si la demande est forte, les bonus diminueront, si elle est faible, les bonus vont augmenter. Cette régulation doit entraîner un équilibrage des fonds de chaque écotaxe modulable.
Conclusion: en matière de fiscalité environnementale, il nous faut faire preuve d'innovation. Des mécanismes trop lourds ou mal pensés auront des effets pervers et des conséquences politiques négatives. Il faut donc manifester des qualités qui relèvent à la fois du pragmatisme, du bon sens et de la modestie.
(*) J'ai déjà fais cette analyse en avril 2011 et celle-ci reste toujours d'actualité. Mais elle méritait d'être complétée et actualisée.