Singapore Airlines renonce ŕ l’Airbus A340-500.
Ce fut l’une des plus belles fausses bonnes idées de ces derničres années : proposer un ultra long-courrier capable de franchir prčs de 17.000 km d’une traite, en 18 heures de vol environ. Et, pour ce faire, il suffisait ŕ Airbus de doter le quadriréacteur A340 d’équipements dűment modifiés, ŕ savoir des réservoirs de carburant de capacité accrue et un aménagement de cabine particulier, 181 sičges au lieu des 313 habituellement installés dans la configuration de base.
Ainsi modifié, ce Ťsuperť A340, appellation constructeur A340-500, annoncé en 1997, permettait une avancée séduisante pour Singapore Airlines, client de lancement, et plus particuličrement ses passagers au long cours se déplaçant pour raisons professionnelles. Il leur devenait possible, en effet, de rejoindre sans escale New York ou Los Angeles, cela dans des conditions de confort inégalées. Outre le gain de temps, le petit nombre de sičges, pour respecter le devis de masse imposé par la distance ŕ franchir, impliquait un espace vital inhabituellement généreux, non seulement en premičre classe mais aussi en Ťsuper écoť. De la place pour étendre les jambes, de grandes surfaces pour aller et venir dans la cabine et éviter de s’ankyloser, des chances accrues de trouver le sommeil et d’arriver ŕ destination dans des conditions de fatigue tout ŕ fait acceptables.
L’initiative singapourienne a fait grand bruit, a sérieusement agacé la concurrence en męme temps qu’elle a renforcé l’excellente image de la compagnie asiatique, novatrice, audacieuse et capable d’offrir un service ŕ bord de trčs grande qualité, voir exceptionnel. Airbus, pour sa part, au moment du lancement du programme, a considéré l’A340-500 comme une arme redoutable capable de mieux l’installer sur un segment de marché dominé de longue date par le Boeing 747-400.
Techniquement, l’opération était simple dans la mesure oů il s’agissait, pour l’essentiel, de donner naissance ŕ une version courte de l’A340-600, un 380 places qui était positionné comme candidat ŕ la succession des 747 ŤClassicť. Inversement, le -500 était franchement plus court encore que doté d’un fuselage allongé de 3,20 mčtres par rapport ŕ l’A340-300 de base. Un Meccano de haut de gamme qui conduisit Boeing ŕ froncer les sourcils.
Néanmoins, il est vite apparu qu’il s’agissait d’un choix technique qui allait ŕ contre-courant des préoccupations nées de l’inexorable augmentation du prix du kérosčne. Qu’on en juge : 181 sičges et peu de fret, une charge marchande de 43,3 tonnes pour une masse maximale au décollage de 368 tonnes. Qui plus est, la conception męme de l’A340-500 a bafoué toute logique : pour franchir prčs de 17.000 km, cet avion emporte non moins de 222.850 litres de carburant en męme temps qu’il engendre un véritable cercle vicieux. En effet, pour aller trčs loin, il emporte beaucoup de carburant qui, lui-męme, pour cause de masse accrue, est source d’augmentation de a consommation. Le bilan est tout simplement mauvais.
Certains spécialistes, sans nécessairement faire référence au cas précis de l’ultra long-courrier d’Airbus, proposent d’ailleurs de suivre la voie inverse, c’est-ŕ-dire d’instaurer une brčve escale technique intermédiaire pour refaire le plein de carburant, formule qui diminuerait la masse au décollage et contribuerait de ce fait ŕ établir un bilan énergétique nettement amélioré.
Bien sűr, pour l‘instant, aucune compagnie aérienne n’imagine suivre cette voie : Ťvoyagez avec nous, vous produirez moins de CO2 mais vous mettrez quelques heures de plus ŕ atteindre votre destinationť… On n’en est pas (encore) lŕ. Mais le fait est que l’A340-500 a été un échec commercial. Singapore Airlines, qui a commandé cette semaine cinq A380 supplémentaires, en męme temps que 20 A350XWB, a demandé ŕ Airbus de reprendre ses cinq Ť500ť, lesquels retrouveront sans doute sous un autre pavillon une utilisation plus classique. La page est tournée.
Pierre Sparaco - AeroMorning