Le buzz médiatique nous a-t-il tué ? C'est la réflexion que l'on pouvait se faire en écoutant, même distraitement, les commentaires de ce mardi sur une déclaration du premier ministre. Ayrault répondait à une question d'un lecteur du Parisien sur les 39 heures payées 39 dans une interview publiée ce mardi 30 octobre. Il expliqua qu'on pouvait débattre de tout et que cette option ferait débat.
Sur Twitter, la "Tweet-critique" s'excita dès potron-minet d'indignation; ça éructait, ça grinçait des dents, ça couinait; ça oubliait même d'évoquer la signature des premières conventions d'emploi-avenir. Valérie Pécresse ou d'autres UMPistes enfonçaient le clou, c'était de bonne guerre.
Le ministre du travail, sur une autre antenne, rajouta qu'il n'était pas prévu de remettre de cause les 35 heures. Et voici que la chose s'emballa encore davantage. Et Ayrault se sentit obligé de faire la déclaration suivante sur France info:
Ce n’est pas un débat qui est relancé. Il y a toujours débat dans la société française. On est dans une démocratie. Est ce qu’on a le droit de parler de tous les sujets ? Un lecteur du Parisien dans un débat que j’ai eu avec plusieurs d’entre eux me pose cette question.Il fallait simplement lire la fameuse interview au Parisien pour comprendre combien ce buzz était crétin et raccourci.
Je dis il n’y a pas de sujet tabou. Simplement ce n’est pas le point de vue du gouvernement. Voilà, je vous le dis ce matin, il n’est pas question de revenir sur les 35 heures, d’abord parce que ce n’est pas la cause de nos difficultés économiques, il y en a beaucoup d’autres.
Et donc ce n’est pas parce que je respecte mes interlocuteurs, qui ont le droit de poser toutes les questions et de défendre tous les points de vue, que pour autant c’est le point du vue du gouvernement. Donc je vais vous faire une confidence. J’ai rencontré hier Louis Gallois. il termine son rapport qu’il me remettra lundi. Et bien il n’y aura rien concernant les 35 heures dans son rapport. Il m’a indiqué que, contrairement à ce qu’avait dit le Parisien la semaine dernière, ce n’est pas une proposition qu’il fera. Et en tout état de cause, même s’il l’avait fait, le gouvernement ne l’aurait pas retenu. Ce n’est pas la position du gouvernement.
En quelques heures, quelques journalistes avaient donc sombré dans un ridicule assez rapide, et de nombreux twittos avec eux. Le soir, sur le Grand Journal de Canal+, Jean-Michel Aphatie tenta encore d'en remettre une couche sur « l'affaiblissement » du premier ministre. A minima, nous aurions aimé pouvoir discuter de cette idée de 39 heures payées 39 si cher à cet aimable lecteur du Parisien. Franchement, qui connaît le nombre de salariés réellement aux 35 heures ?
D'autres analystes, au contraire, ont résisté à cet absurde déchainement, tels Patrick Roger (Le Monde), Bruno Roger-Petit (Le Plus du Nouvel Obs) ou Roland Cayrol (sur LCP).
Pendant 5 ans, nous avons critiqué la fausse urgence installée par Sarkozy comme technique de "management" de l'agenda politique, les faux buzz et fausses annonces, sa boulimie législative qui gâchait nombre de débats, son utilisation systématique de la fébrilité médiatique. Que l'UMP continue dans cette voie-là, avec le soutien de quelques supports médiatiques, est à peine surprenant.
Qu'une fraction de la gauche n'ait pas le recul ni l'envie pour y résister est assez confondant.
Si l'actualité n'était pas si grave, c'en serait même drolatique.
Sur ce, pour celles et ceux qui s'intéressent réellement aux plans du gouvernement, je leur conseille la lecture, au fil de l'eau, des lois de finances pour l'Etat et la Sécurité sociale, ainsi que les transcriptions des débats parlementaires.
Cela prend du temps, c'est plus fastidieux qu'un buzz facile, mais c'est sacrément instructif.
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