CSST: Le non-respect d’une loi par l’employeur

Publié le 31 octobre 2012 par Veritejustice @verite_justice

Le non-respect par l’employeur d’une loi, d’un règlement ou d’une norme ne signifie pas nécessairement qu’il y a danger, mais peut certes contribuer à rendre dangereuse l’exécution d’une tâche par un travailleur

Par Vérité Justice

Aux termes de la Loi sur la santé et sécurité du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs sous son contrôle. Pour ce faire, il doit notamment veiller concrètement à ce que le travail sur les lieux du travail s’exécute en toute sécurité. Le système mis en place par l’employeur doit démontrer une volonté ferme de sa part d’instaurer des mesures préventives réalistes et d’en assurer l’application.

Et cette fois ce n’est pas une prétention de votre serviteur mais bien une décision rendue par la Cour du Québec sous la plume de M. Gaby Dumas qu’il en fut jugé!

[1] On reproche à la défenderesse, en tant qu’employeur sur un lieu de travail situé au 1545 boulevard Le Corbusier à Laval, d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur lors de l’exécution de travaux d’électricité, commettant ainsi l’infraction prévue à l’article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail 1.

[2] La poursuivante a-t-elle prouvé tous les éléments essentiels de l’infraction reprochée?

[3]Dans l’affirmative, la défenderesse a-t-elle réussi à repousser sa responsabilité pénale en démontrant, par une preuve prépondérante, qu’elle a pris tous les moyens nécessaires pour ne pas commettre l’infraction?

[4] Le matin du 21 octobre 2010, l’électricien Marc Chicheportiche (« le travailleur ») est électrisé en exécutant pour la défenderesse des travaux sur un chantier de construction.

[5] Suite à l’accident, le travailleur ne respire plus. À leur arrivée, les techniciens ambulanciers paramédics réussissent par des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire à obtenir un pouls. Le travailleur est ensuite transporté au centre hospitalier sous assistance respiratoire.

[..]

[7] Au moment de l’accident, le travailleur exécute des travaux sur un appareillage électrique sous tension (347 volts). Son travail consiste à déplacer un des fils électriques reliés à cette boîte de jonction.

[8] Au moment où il est assigné à cette tâche, son contremaître, monsieur Patrick Turgeon, ne lui donne aucune consigne de sécurité particulière, mais l’informe qu’il doit travailler sous tension, le panneau électrique alimentant cette section du système n’ayant pu être localisé.

[9] Dans une déclaration écrite (P-2) donnée aux policiers après l’accident, monsieur Turgeon mentionne que la tâche du travailleur consistait à déplacer le fil en le déconnectant de la boîte de jonction la plus près. Il y déclare aussi qu’il aurait été plus sécuritaire de simplement couper le courant.

[10] Les inspecteurs constatent l’absence de procédure visant à s’assurer que les travaux sur un appareillage électrique ne s’exécutent pas sous tension.

[11] Cette procédure, dite de cadenassage, consiste à couper les sources d’énergie qui présentent un risque pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs lors de la réalisation de leurs travaux.

[12] Les travailleurs sur le chantier confirment aux inspecteurs qu’à ce jour, ils n’ont jamais reçu de formation en rapport avec cette procédure.

[..]

[35] Il est de jurisprudence constante2 que la sécurité d’un travailleur est compromise, au sens de l’article 237 de la Loi, dès qu’il est exposé à une situation de danger réel de blessures graves, en raison de conditions de travail inadéquates.

[36] Dans un jugement récent, la Cour supérieure confirme cette position en réaffirmant que la poursuivante n’a pas à faire la preuve d’un acte ou d’une omission du fait personnel de l’employeur. Pour la cour, le travailleur qui met en danger sa sécurité de façon imprudente et cavalière rend responsable son employeur de ses gestes.

[37] Par conséquent, la poursuivante n’a pas à établir de lien direct entre les manquements d’un employeur et l’accident survenu sur un de ses chantiers. En fait, elle n’a pas à faire la preuve d’un accident, pas plus qu’elle doit en établir les causes.

[38] Par ailleurs, le non-respect par l’employeur d’une loi, d’un règlement ou d’une norme ne signifie pas nécessairement qu’il y a danger, mais peut certes contribuer à rendre dangereuse l’exécution d’une tâche par un travailleur

[39] En l’espèce, la preuve démontre qu’un travailleur est bel et bien exposé à un danger immédiat de blessures graves lorsqu’il effectue des travaux dans une boîte de jonction reliant des fils toujours alimentés en électricité. Ces conditions de travail sont nettement inadéquates.

[..]

[49] La preuve révèle aussi que la défenderesse ne possède aucun programme de prévention prévoyant une procédure de cadenassage et des mesures disciplinaires en cas de non-respect.

[50] La défenderesse manque ainsi clairement à ses obligations en tant qu’employeur.

[51] Malgré la règle l’interdisant, il est pour le moins surprenant, voire inquiétant, que la seule formation donnée aux travailleurs traite des risques inhérents au travail sous tension.

[67] Le Tribunal en vient à la conclusion qu’aucune formation additionnelle aurait pu prévenir l’infraction, puisqu’il était imprévisible pour l’employeur que cet employé, suffisamment formé et informé, ferait fi d’une mesure de sécurité aussi élémentaire. Pour lui, ce regrettable accident est dû uniquement à la témérité suicidaire de l’employé, dont la tâche n’exigeait pas une surveillance plus rigoureuse.

Pour lire l’intégral de la décision: Cliquer ici