La CLP est liée au diagnostic du médecin traitant

Publié le 31 octobre 2012 par Veritejustice @verite_justice

Aussitôt que le diagnostic médical avec lequel le travailleur est liée n’est pas reconnu par la CLP, le débat judiciaire dévie de son objectif.

Par Vérité Justice

Il arrive à l’occasion que la Commission des lésions professionnelles (CLP) oublie qu’elle est liée par le diagnostic du médecin ayant traité le travailleur si et seulement si la CSST n’a pas fait appel au Bureau d’évaluation médicale ou si l’employeur n’a pas fait examiner le travailleur par son propre médecin.

En effet l’article 224 précise:

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l’article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l’article 212.

Lorsque la CLP oublie tout de même de faire respecter ses règlements, le travailleur peut demander une révision de la décision rendue et peut même faire appel à la Cour Supérieure si la décision de la CLP est maintenue.

[1] La décision rendue par la Commission des lésions professionnelles (CLP) le 21 décembre 2011 est contestée par le requérant Richard Boutin (travailleur) qui la croit déraisonnable en ce que, à ses yeux, elle nie l’existence d’une hernie discale et en ce qu’elle l’oblige à poursuivre sa carrière dans un emploi non convenable.

[2] Le 19 février 2008, le travailleur se considère victime d’un accident du travail alors qu’il exerce son emploi de chauffeur.

[..]

[6] Le 20 décembre 2011, conformément aux articles 369 et ss. de la Loi, la CLP rend une décision défavorable au travailleur, dont les deux principales conclusions contestées se lisent ainsi:

«DÉCLARE qu’en l’absence de diagnostic de hernie discale L4-L5 postéro-centrale, celui-ci ne peut être relié à la lésion professionnelle du 19 février 2008; 

DÉCLARE que l’emploi de livreur de petits colis, dont le revenu annuel estimé à 18 778,40 $ constitue un emploi convenable;» 

[7] Le travailleur allègue que la décision est illégale et déraisonnable, notamment en ce qu’elle ne se fonde pas sur la preuve pour conclure que le travailleur souffre d’une hernie discale et que ce diagnostic a un impact sur sa capacité de travail qui l’amène à ne pas pouvoir exercer à terme l’emploi qui lui est reconnu comme « emploi convenable » dans la décision contestée.

[8] Le travailleur se plaint particulièrement de l’inadéquation entre la preuve administrée et les conclusions qu’en tire la CLP.

[..]

[12] La CLP pouvait-elle remettre en cause la condition médicale du travailleur? Dans le respect de la norme du caractère raisonnable de la décision, cette question doit être tranchée avant même de discuter de sa possibilité d’un retour sur le marché du travail et des conditions l’encadrant.

[..]

[14] Avant de discuter plus avant de cette décision, il convient de rappeler sommairement le processus contenu dans la Loi:

- 14.1.  L’article 200 prescrit que le médecin qui a charge du travailleur doit compléter un rapport sommaire comportant la date de l’accident, le diagnostic principal et la période prévisible de consolidation de la lésion, le fait que le travailleur soit en attente de traitements et la possibilité de séquelles permanentes;

- 14.2.  L’article 204 prévoit que la Commission peut exiger que le travailleur se soumette à une contre-expertise;

- 14.3.  En cas de divergence entre les professionnels de la santé, la Commission peut transmettre ses rapports au Bureau d’évaluation médicale (article 205.1);

- 14.4.  Le Bureau d’évaluation médicale infirme ou confirme le diagnostic du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la mise en cause (article 221);

- 14.5.  La Commission est liée par le diagnostic du médecin qui a charge du travailleur ou, le cas échéant, du Bureau d’évaluation médicale (articles 224 et 224.1);

- 14.6. Personne ne peut demander la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la Commission est liée (article 358, deuxième alinéa).

[15] Si la mise en cause est liée par le diagnostic de hernie discale, il serait inapproprié pour la CLP de contester en soi cette question. Et encore moins de conclure que la preuve contraire de la présence de hernie discale est unanime.

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[22] Dès lors que le diagnostic médical avec lequel la mise en cause est liée n’est pas reconnu par la CLP, le débat judiciaire dévie. Il n’était donc pas « raisonnable » pour la CLP d’en venir à cette conclusion. Ce tribunal administratif et le travailleur ne se sont pas entendus, dès le départ, sur les conclusions possibles de cette affaire. Le premier était à la recherche de l’identification de la maladie (entorse ou hernie) alors que le second voulait démontrer le lien entre « hernie » et « accident ».

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[35] Compte tenu que la mise en cause était liée par le diagnostic, l’audition devant la CLP ne pouvait le remettre en cause. La CLP devait décider du lien entre la maladie et l’accident, ce qu’elle n’a pas fait. Le Tribunal fait droit à la révision judiciaire sur cet aspect.

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[46] En niant l’existence même de la hernie discale, la CLP a fait défaut de décider du lien entre celle-ci et l’accident.

[47] La règle veut que la Cour supérieure puisse retourner un dossier à l’organisme compétent pour qu’il décide à nouveau impartialement de l’affaire qui lui est soumise.

[48] Comme l’a reconnu cette Cour, elle peut toutefois procéder à rendre jugement lorsque le retour du dossier à l’organisme quasi judiciaire est susceptible d’entraîner un déni de justice ou de nuire à la saine administration de la justice.

[49] Dans la présente affaire, le Tribunal fait droit à la requête du travailleur afin qu’il ne perde pas autrement ses droits advenant une détérioration de sa santé. De plus, ni la mise en cause ni la CLP n’ayant pendant plus de 4 ans établi le lien entre la hernie discale et l’accident, il serait déplorable que l’on doive soumettre le travailleur à une nouvelle audition qui conclurait au lien qui doit exister entre la hernie discale et l’accident survenu le 19 février 2008. Rappelons que, pour le moment, le travailleur ne demande pas d’indemnisation à proprement parler pour la hernie discale.

Pour lire l’intégral de la décision: Cliquer ici