Souvent, la lecture offre des moments forts et intenses. Parfois, elle offre encore plus. Elle permet de vivre un moment de plénitude totale à chaque page tournée. De s'évader hors du temps. Elle donne un sentiment exquis d'être à la fois le lecteur et l'acteur d'une histoire. C'est ce sentiment qui étreint le lecteur de "La vérité sur l'affaire Harry Québert" de Joël Dicker. Ce livre est tout simplement immense. Immense dans son projet littéraire. Il enchevêtre les histoires pour faire une somme géniale, facile à lire, et passionnante. L'histoire est simple : Marcus Goldman, jeune new-yorkais trentenaire auteur d'un premier livre à succès connaît la panne de l'écrivain. Il part donc voir son maître et son ami, Harry Québert dans le New Hampshire. Harry Québert, est professeur de littérature, mais c'est aussi - dans le livre- l'un des plus grands écrivains américains du siècle, un mix de Philip Roth et de Don de Lillo. Il repart bredouille de ses retrouvailles avec Harry, sans inspiration. Seule information : il a trouvé chez Québert des photos prises en 1975 de son maître avec une jeune fille de 15 ans. Quelques jours après son retour à NYC, coup de théâtre Québert est arrêté car les os de cette fille disparue en 1975 sont retrouvés enterrés dans le jardin de l'écrivain.
L'intrigue est posée. Goldman part pour Aurora (New Hampshire) - petite ville sans histoires où chaque habitant possède de terribles secrets - bien décidé à faire innocenter son ami.
Là commence ce livre superbe qui est à la fois une plongée dans l'Amérique d'hier et d'aujourd'hui, une critique des médias qui s'emballent pour faire rayer et pour brûler ce qu'ils ont aimé hier (ici Harry Québert). La peinture d'Edward Hopper qui sert d'illustration à la couverture du livre est bien choisie. L'Amérique est dans ce livre de Dicker, le Suisse, comme elle est dans les peintures de Hopper. Il y a du Roth, du Nabokov, et plein d'autres écrivains dans ce livre. Ce qui est fort, c'est que Dicker absorbe cela et créé du Dicker.
Mais c'est aussi une plongée dans une histoire d'amitié, dans une histoire d'amour, dans les affres de l'écriture et de la création artistique. Ce livre de Joël Dicker est fabuleux. C'est un page-turner redoutable, une fois lancé, impossible de s'arrêter de le lire et lorsque la fin approche, on a envie de ralentir. C'est un livre étonnant dans sa construction car il ménage le suspense, fait tourner - un peu - en bourrique le lecteur pour mieux l'amener vers le dénouement. C'est un tour de force d'écriture tant les quatre histoires sont limpides et s'imbriquent sans aucun problème les unes dans les autres. Il ne serait pas étonnant de voir ce livre être adapté au cinéma. Il faut absolument lire ce livre qui est à la fois léger et grave, dense et simple et qui peut réconcilier les lecteurs les plus réfractaires avec la lecture. Courez l'acheter !
Si vous avez un livre à lire, c'est celui là. Joël Dicker a 27 ans et c'est déjà un immense écrivain. Il vient d'obtenir le prix de l'Académie Française qui récompense souvent des bons livres. La presse va désormais en parler peut-être un peu plus. Elle aurait dû le faire avant plutôt que d'encenser les livres vains de Christine Angot. Les libraires eux le défendent depuis sa sortie.
Voilà ce qu'en disait Gérard Collard de la Griffe Noire, il y a presque deux mois.