Répondant à un lecteur du journal Le Parisien/Aujourd'hui-en-France, Jean-Marc Ayrault a estimé qu'un retour à la semaine de 39 heures n'est "pas un sujet tabou". La polémique s'engouffrant dans la porte laissée ouverte, le Premier ministre a été contraint de préciser ses propos sur France Info :"Il n'est pas question de revenir sur les 35 heures parce que ce n'est pas la cause de nos difficultés économiques, il y en a beaucoup d'autres".
Quelques instants plus tôt sur RTL Michel Sapin avait tenté d'éteindre l'incendie naissant en estimant qu'il ne falllait pas supprimer les 35 heures et qu'il n'y avait pas de couac."Vous interprétez ce que dit le Premier ministre, lisez l'ensemble de l'interview. Il dit le sujet n'est pas tabou. La preuve, nous venons d'en discuter entre nous", a précisé le ministre du travail.
Trop tard."Ca sent le Sapin pour Ayrault" s'amuse-t-on sur Twitter. Comme si désormais tout est devenu motif pour tenter de faire tomber la statue vacillante du locataire de Matignon avant de s'attaquer à celle de l'Elysée.
Sous prétexte de crise le patronat français pense avoir le vent en poupe et imposer à une population résignée ses ultimatums économiques cachés derrière le concept de compétitivité et de big bang de l'économie. La déclaration de Laurence Parisot selon laquelle "C'est maintenant à l'État de se remettre en question" constitue une véritable provocation. Tous les acteurs doivent être concernés par une remise à plat. A commencer par le capitalisme financier, improductif et cupide qui parasite l'économie réelle. Mais qu'en pensent M. le Premier ministre et Mme Parisot ? Le sujet est-il tabou ?
L'erreur de Jean-Marc Ayrault est de ne pas donner le sentiment de solidité qu'on attend d'une digue en période de gros temps. A ménager la chèvre et le chou il dégage le sentiment d'une ligne politique flottante qui a pour inconvénient d'encourager les coups de boutoir d'une droite et d'un patronat dont les intérêts s'entremêlent.
Le risque pour le pays est de laisser penser que Laurence Parisot et ses amis du CAC 40 sont représentatifs d'un patronat français marqué par des situations très disparates. Le danger naturellement c'est d'opposer artificiellement, dans un style et une guerre des classes que n'aurait pas renié Sarkozy, une partie de la population contre le milieu des entreprises.
On n'attend pas de l'exécutif des solutions miracles. Elles ne viendront pas plus du rapport Gallois, lu par personne mais dont les conclusions sont déjà sur toutes les lèvres. On attend en revanche de ceux qui nous gouvernent dans la tempête de la sérénité et un cap.
Il appartient ainsi au capitaine du navire de faire concilier les intérêts des soutiers et ceux des armateurs. A cet égard Jean-Marc Ayrault a commis une vraie maladresse en laissant penser que les efforts pourraient être inéquitablement répartis. La faute, il est vrai, est partagée par l'étage du dessus. Elle aura consisté à laisser croire tout au long de la campagne des présidentielles que la taxation des riches pouvait suffir a remettre le pays sur les rails.
Nous savons aujourd'hui qu'il n'en est rien. Cette certitude est déstabilisante au moment où la révolution fiscale, et donc une répartition juste des efforts, s'éloigne jour après jour. Cette remise à plat globale de la fiscalité est pourtant incontournable pour sauver l'industrie française. Un sujet qui ne concerne pas seulement les patrons mais aussi les salariés.
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