Cela dit, à y regarder d’un peu plus près, il n’est pas certain que les
affaires de ce gouvernement s’arrangent vraiment avec ce congrès. Si l’ambiance
était à l’unité, on a bien senti qu'il a été l'occasion pour certaines
personnalités et à travers elles pour certains courants de lui mettre la
pression.
D’entrée,
Ségolène Royal avait ouvert le feu rappelant à l’ordre le Gouvernement en
l’invitant très explicitement à changer de rythme : « Il est temps de
passer aux actes, et des propositions très concrètes ont été faites pendant la
campagne présidentielle ».
Ensuite, ce fut
Martine Aubry dont l’intervention fut particulièrement appréciée si on en
croit la standing ovation qui l’a clôt. Certes, elle a mainte fois répété son
soutien à Jean-Marc Ayrault et appelé les militants à défendre, sans la
« brouiller », la politique du gouvernement, mais on a bien
compris que son soucis était surtout d’éviter de les cafouillages trop
visibles. Pour autant, sur le fond, elle n’a rien lâchée. Insistant par exemple
sur la « grande tristesse » qui serait la sienne si le droit
de vote n’était pas accordé aux étrangers avant les municipales de 2014 ou
s’élevant sur une quelconque hausse de la TVA ou de la CSG.
L’intervention la plus significative en la matière fut, sans trop surprise,
celle d’Emmanuel Morel, qui pour ceux qui ne le connaissent pas, est celui qui
a pris de relai, à la gauche du Parti, de Benoit Hamon interdit de motion pour
cause de solidarité gouvernementale. Le propos fut sans ambigüité, le PS est un
parti de gauche et doit le rester. Le chef de file de la motion
« maintenant à gauche » nous a ramené 30 ans en arrière avec un
discours dans la grande tradition des discours de gauche, bourré de citations
de Jaurès et pleins d’élans de solidarité avec les «gens de peu ou des gens de
rien, ou alors nous ne sommes plus socialistes» !
Malgré un apparent soutien à Jean-Marc Ayrault, Emmanuel Morel ne s’est pas
privé de critiquer les propos de certains ministres (non cités) ou encore le
déplacement en masse du Gouvernement lors de l’Université du MEDEF.
Il ne s’est pas non plus privé d’exprimer avec force ses convictions en
préconisant notamment le lancement de « campagnes » prioritaires: sur
le droit de vote des étrangers sur la loi contre les licenciements. Deux sujets
sur lesquels on a, jusqu’à présent, peu entendu le dit Gouvernement.
Enfin, par sa
déclaration : « Nous sommes du côté des canards boiteux », il
s’oppose frontalement à Jean- Pierre Jouyet, ami de longue date de François
Hollande, qui avait
déclaré, pourtant à juste titre, que la Banque Publique d’Investissement,
dont il est président, n’avait pas « vocation à aider les canards boiteux
». Manifestement tout le monde n’est pas d’accord sur l’utilisation qui devra
être faite de la BPI, pourtant présentée comme un des piliers du redressement
productif.
Même le ministre Benoit Hamon qui, en contradiction complète avec la
politique que mène le Gouvernement auquel il appartient pourtant, n’hésite pas
à proclamer qu’il est plus important de mettre en œuvre le droit de vote des
étrangers aux élections locales que de respecter l’engagement des 3 % :
« Il est des symboles dont l'impact sur la cohésion sociale est bien plus
important que les quelques milliards du budget de l'Etat ».
A la place de François Hollande et Jean-Marc Ayrault, je serais
inquiet.
Après avoir réussi l’exploit de parler d’une même voix derrière François
Hollande pendant presque 1 an, le PS semble vouloir revenir à ses vieux démons
et en finir avec cette belle unanimité de façade.
Ca a été dit et répété, le PS ne sera pas le parti godillot du gouvernement.
D’autant plus que les actions du Gouvernement en ont déçus plus d’un. Certes,
tout le monde à l’air d’avoir enfin compris qu’il était contreproductif de
laver son linge sale en public mais il y a fort à parier que le Parti et ses
différents composants sauront faire entendre leurs voix soit directement auprès
des ministres soit par l’intermédiaire de son groupe parlementaire.
Le Gouvernement qui a déjà du mal à faire comprendre sa politique à l'opinion, a plus que jamais besoin d'un Parti qui se fasse le relai de ses décisions. Mais pour cela encore faut-il celui-ci y adhère. Or, on ne peut pas dire que ce soit flagrant au vu des interventions qui ont émaillé le Congrés de Toulouse. En conséquence, il est à craindre que pour obtenir un véritable soutien de la part du Parti Socialiste, le Gouvernement ne soit contraint de lui faire un certain nombre de concessions et de mener une politique beaucoup plus à Gauche que ce François Hollande et jean-Marc Ayrault auraient souhaité. Et ce n'est pas une bonne nouvelle ni pour eux ni pour le France.