Un livre âpre, dur, vrai…mais incomplèt!

Par Citoyenhmida

Je vous parlerai d’un livre écrit par un journaliste, en fait plus qu’un journaliste, un “grand reporter”, ce genre de journaliste qui bourlingue à travers le monde partout où la  guerre et la mort sévissent!

Ce livre  est l’œuvre d’un homme qui a vu, à maintes reprises, la mort en face, un homme qui a côtoyé la mort, un homme qui porte dans son corps et dans son esprit les stigmates de la mort. Pas la mort normale, naturelle, non la mort apportée et portée par d’autres hommes!

La mort, il la connait : il a vu mourir quelques uns de ses collaborateurs, il a vu mourir plusieurs de ses collègues, qui faisaient le même métier que lui, qui traquaient  l’information et l’image sur les lieux même où les belligérants du monde s’affrontent.

La mort, il la connait : il a vu mourir des militaires dans l’exercice  de leur activité  normale et des civils victimes collatérales de guerres qu’ils ne comprennent pas.

Pourtant, cet homme Jean-Paul MARI, grand reporter au Nouvel Observateur, va écrire un livre non pas sur la mort et même sur la guerre, mais sur les conséquences de  la guerre sur sur qui reviennent et de la mort et de la guerre.

Dans “SANS BLESSURES APPARENTES, Enquête sur les damnés de la guerre“, publié en septembre 2008 chez les éditions Robert Laffont, l’auteur a mené un travail de recherche sur “ces hommes que la guerre a rendus fous”.

J’ai commencé la lecture de ce livre assez tard, le soir, et je ne l’ai plus relâché,  jusqu’à la dernière page, vers quatre heures du matin.

Jean-Paul Mari m’a immédiatement plongé dans un monde inconnu du lecteur de journaux lambda que je suis, du téléspectateur normal que je suis, du consommateur habituel d’informations que je suis.

Je me souviens bien sûr de l’incident de l’Hôtel Palestine, à Bagdad : le 8 mai 2003, le tir d’obus d’un char américain avait tué deux journalistes. Jean-Paul Mari était présent, il a parlé au gradé U.S. qui a ordonné le tir, il a mesuré combien “il  était affreusement mal à l’aise”   et il a voulu comprendre ce que “ce capitaine fera de tout cela, une fois rentré chez lui”.

Tout le travail de Jean-Paul Mari dans son enquête consiste à essayer de cerner “la douleur de la guerre”!

C’est une véritable enquête qu’il  a menée  auprès d’anciens militaires, dans plusieurs pays, qui ont quitté l’uniforme de leur propre volonté ou à la suite de blessures ou de traumatismes. Il a interrogé  des psychiatres, il a visité des centres d’accueil. Il a consulté des ouvrages, dans différentes spécialités. Il a voulu comprendre.

Le résultat de cette enquête sur “les hommes brisés par la guerre” est hallucinant de réalisme : la guerre peut rendre un héros complètement traumatisé, elle peut mener un ancien vétéran au suicide, elle peut étouffer pour toujours la voix du marine le plus aguerri.

Avant de refermer ce livre, on finit par ressentir une empathie assez irraisonnée pour ces personnages qui sèment la mort et récoltent, sans blessures apparentes,  les traumatismes, les dépressions et la folie.

P.S. : Un seul reproche à faire à cette enquête : Jean-Paul MARI ne s’est pas intéressé aux civils victimes des guerres, aux civils victimes collatérales  des conflits, aux civils dont la majorité n’entre pas en compte dans les chiffres officiels servant à évaluer une guerre.

Ces civils qui survivent aux conflits, femmes, hommes, vieillards, enfants, ne sont seulement “brisés” par les guerres : ils sont le plus souvent tout simplement détruits à jamais.

Peut-être de Jean-Paul MARI leur consacrera-t-il un jour une autre enquête : il devra approcher beaucoup plus de témoins, il devrait interroger non seulement des psychiatres mais une kyrielle d’autres spécialistes, il devra visiter des endroits beaucoup moins accueillants que les centres d’accueil pour militaires “traumatisés”, il devra consulter beaucoup plus que la littérature conventionnelle. Il devra fouiller dans le malheur des peuples.