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La complainte du cadre sup' et ses 45% d'impôt

Publié le 29 octobre 2012 par Juan
La complainte du cadre sup' et ses 45% d'impôt
Le père d'une amie de ma fille voudrait s'exiler. Le pauvre homme pense à la Belgique ou à la Suisse. D'après les confessions maladroites de sa fille, ce cadre supérieur gagnerait 200.000 euros par an et les mesures fiscales adoptées ces derniers jours le terrifient.
Sans évidemment connaître la situation fiscale de cette relation indirecte, je ne peux que m'étonner, voire me désoler, de l'improbable décision.
Il suffit se renseigner un peu, pour comprendre d'où l'on vient, et ce que la loi de finances a réellement prévu pour 2013.
Reprenons.
Le taux d'imposition des plus riches n'a cessé de baisser depuis 20 ans - y compris pendant les périodes où le gouvernement était de « gauche plurielle » ou de simplement socialiste. La dernière décennie, sous administration conservatrice, fut particulièrement faste et plus avantageuse que la précédente pour la fiscalité du dernier décile du pays. Il suffit de lire les derniers échanges parlementaires sur le PLF 2013 pour réaliser l'ampleur du sabotage fiscal que nous avons connu. 
En 1999, les taux d'imposition marginale sur le revenu variaient de 8% (pour la fraction de revenus annuels supérieure à  4.055 euros) à 53% (pour la fraction supérieure à 46.343 euros). Mais ça, c'était avant. En 2002, ces extrémités étaient déjà réduites à 7% et 48%. Merci la gauche ! Ensuite, ce fut le grand détournement. L'an dernier, les bornes de notre impôt sur le revenu étaient rabaissées à 5,5% (pour 5.615 euros) et ... 40% (pour 66.679 euros et au-delà). L'impôt sur le revenu, le plus progressif, a été vidé de sa substance.
Précisons l'évolution: en une décennie, l'imposition sur les revenus supérieurs à 46.000 euros est passée de 53% à ... 30%. Pour être complet, il faudrait ajouter toutes ces niches fiscales qui ne bénéficient qu'aux plus riches: défiscalisations des nounous et des femmes de ménages, des emprunts immobiliers, des aménagements d'isolation d'appartement, etc. Sans compter la trop faible imposition des REVENUS du capital, c'est-à-dire de l'argent qui dort mais qui rapporte, de la rente contre le travail. « La multiplication des avantages fiscaux venant minorer le montant de l’imposition et des modalités particulières du calcul de l’impôt reposant sur l’application de taux forfaitaires a également entraîné une perte de progressivité de l’impôt » notait le député Christian Eckert dans son rapport sur le PLF 2013 . D'après le Conseil des prélèvements obligatoires, « les contribuables appartenant au dernier décile concentrent ainsi 62 % des réductions d’impôt.» A l'inverse, les 40% des contribuables les moins riches bénéficient en moyenne « de moins d’un quart du montant de réductions d’impôt auquel ils pourraient prétendre, en raison de la faiblesse de leur imposition ».
Au final, la France de 2012 est l'un des pays les plus cléments. Et oui, on nous rabâche que les prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés d'Europe. Mais l'imposition des revenus reste très et trop faible. Elle est même loin d'être la plus élevée d'Europe.
Constatons ensuite la situation du pays: ces allègements massifs d'impôts, pour les tranches supérieures de revenus du pays, ont-ils permis une évolution harmonieuse de l'économie, de nos ressources, de notre endettement ? Nous pourrions croire, puisque l'argument inverse est régulièrement rappelé, qu'un si agréable allègement favoriserait la création de richesses au point de regretter qu'on ait pu ainsi oser solliciter davantage la solidarité nationale ?
Que nenni !
La France est, comme d'autres pays, dans l'une des pires situations économiques et fiscales qu'elle ait connue dans son histoire contemporaine. Rappelez-vous ce que nous expliquait l'ancien monarque. Notre Grande Crise équivalait à l'extinction des dinosaures.
Revenons donc à notre cadre supérieur, si fortuné qu'il pense à partir.
La réforme Hollande est encore modeste. Inutile de crier au loup, vous ne le reconnaîtriez pas si jamais il arrivait enfin !
Ainsi a donc été votée la création d'une nouvelle tranche marginale supérieure de l'IR, soit 45% pour la fraction de revenus imposables supérieurs à 150.000 euros (par ménage). Hollande applique son programme mais reste bien modeste. En 1982, le gouvernement Mauroy avait augmenté cette dernière tranche de 60% (sous Giscard !) à 65% ! En 2005, nous avions encore un taux marginal à 48% ! La suppression des taux supérieurs à 40% depuis 2006 a permis au dernier décile des contribuables de profiter de quelque 2,3 milliards d'euros d'allègement, soit 60% du gain total ces 10% de chanceux !
Le rapporteur du budget relevait ainsi, à propos de la création d'une nouvelle  « un contribuable célibataire qui bénéficie de 200 000 euros de salaires au titre de 2012 sera imposé à hauteur de 64 271 euros contre 62 838 euros avec le barème applicable aujourd’hui (+ 2,2 %). » Mieux, l'effet de seuil est largement maîtrisé: « L’augmentation de l’imposition ne créera pas de ressauts d’imposition importants jusqu’à un certain niveau de revenu. À partir de revenus élevés, le ressaut est plus sensible : l’imposition augmente de plus de 5 % à compter de 300 000 euros pour un célibataire et de 600 000 euros pour un couple. »
S'exiler pour 5% d'impôts supplémentaire ?
Quel patriotisme !


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