Pour le 50e anniversaire de James Bond, l’agent secret met les petits plats dans les grands et nous livre avec Skyfall son aventure la plus personnelle mais aussi la plus brillante dans son interprétation du mythe.
4 ans que 007 n’avait pas mis les pieds au cinéma. Et pour cause, entre les problèmes liés à la MGM et la déception qu’était Quantum of Solace, il y avait du travail à abattre. Et il faut croire que ce délai a particulièrement bien inspiré les scénaristes et les producteurs qui ont alors confié cette 23e aventure à l’auteur Sam Mendes (American Beauty, les Sentiers de la Perdition, les Noces Rebelles) pour bousculer le mythe de l’agent secret. Et « bousculer» est un mot assez faible quand on assiste dès la scène d’introduction du film à la mort de James Bond. Mais rassurez-vous, il s’en remettra bien vite pour venir au secours de M et du MI6 attaqués en plein cœur.
Ainsi Skyfall est une histoire de renaissance, au propre comme au figuré, pour l’agent comme pour la franchise. Le travail qui avait commencé sur 007 dans Casino Royale pour bousculer les codes de la saga, donner des origines au personnage (il venait d’y acquérir sa licence « 00″ et de rencontrer sa première « bond girl» ) et l’installer dans une époque moderne trouve ici une suite logique. Le « dossier Vesper» est maintenant clos (peut-être l’un des seuls mérites de Quantum of Solace) et Bond peut donc tracer sa route avec une construction que l’on peut également rapprocher de Casino Royale, les scènes d’action se situant dans le premier tiers du film tandis que la pression va aller crescendo par la suite. Et par la même occasion, cette fois, 007 va être confronté à son passé.
Maintenant ancré dans notre époque contemporaine, Bond doit faire face aux problèmes bien plus complexes qu’un simple affrontement entre nations ou de bad-guys mégalomaniaques cherchant à dominer le monde. Comme avait pu le faire Nolan sur Batman, l’agent secret de sa Majesté doit tomber pour se relever et affronter une menace indicible et sournoise, celle du terrorisme et la destruction du MI6 va à ce moment là rappeler les fantômes des attentats de Londres. A ce titre Silva, le méchant magistralement interprété par un Javier Bardem peroxydé, est l’un des ennemis les plus réussis et déroutants pour faire face à Bond en même temps que opposé. Totalement imprévisible, il s’attaque directement à détruire l’esprit du héros (là où Casino Royale détruisait son cœur), son passé et ses proches.
En fouillant vraiment la psychologie de son héros, en lui donnant un passé palpable, il se passe à l’écran et chez le spectateur une chose que l’on n’avait jamais ressenti pour James Bond : on tremble pour lui. En effet, c’est bien la première fois dans la saga que l’intrigue se révèle imprévisible et que l’on s’inquiète vraiment pour les personnages et en particulier M. La directrice du MI6 toujours remarquablement interprétée par Judi Dench obtient ici sans doute son temps de présence le plus important dans la saga. D’ailleurs, une grande partie du film tourne même autour d’elle, si bien qu’elle éclipse les deux autres personnages féminin pour devenir, d’une certaine manière, la James Bond Girl de cet épisode.
A cette modernité qui détruit le héros, celui-ci va alors opposer les codes traditionnels de la saga dont l’apparition de Q n’est que l’une des composantes. Mais ces codes revenus des aventures passées ne sont ramenés ici que dans un but, celui d’être détruits dans un final qui revient au sources mêmes de son personnage. Skyfall se révèle ainsi être une transition parfaite entre l’esprit brutal du Bond de Craig et le Bond historique de Sean Connery, assumant alors pleinement son héritage pour mieux le faire renaître. Pour en arriver là, il fallait donc malmener le personnage et lui donner la personnalité, l’émotion et la profondeur psychologique qui lui manquait.
Il n’est alors pas étonnant que Sam Mendes ait accepté cette histoire d’une intelligence folle que l’on doit au scénariste John Logan. En effet, le réalisateur y trouve ici certains thèmes de sa filmographie (la famille et l’héritage entre autres), donnant alors au blockbuster qu’est James Bond une aura supplémentaire qui confère au film d’auteur. Ce n’est pas pour autant que Skyfall sera dénué de scènes d’action et celles-ci se révèlent même particulièrement prenantes. Mais ce qui frappe à l’écran c’est surtout la manière dont le réalisateur joue avec les codes pour livrer un James Bond d’une beauté crépusculaire. Cela se ressent en particulier lors des séquences tournées à Shanghai (où un combat rivalise d’inventivité et de beauté) ou Macao qui donnent à cette 23e aventure une classe folle.
Au final, avec Skyfall, Sam Mendes détruit tout le mythe de James Bond pour mieux le faire renaître, entre tradition et modernité. Il en ressort le film sans doute le plus beau de la saga mais aussi le plus étonnant et passionnant. Une bien belle façon de fêter ses 50 ans.