J'ai découvert l'œuvre d'Hopper il y a vingt cinq ans, quand je
séjournais à New York. C'est la collection du Whitney Museum qui m'a permis de découvrir parmi ses
pièces les plus importantes. Ce même musée est, en toute logique, l'un
des plus importants contributeurs à l'exposition majeure qui se
déroule à Paris au Petit Palais du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013. Pour être franc, je n'ai jamais été vraiment fasciné par son oeuvre, lui repprochant essentiellement de "boucler" sur un motif sans jamais avoir tenté de s'affirmer, de s'affranchir d'un figuratisme statique pour rechercher une forme de lyrisme et expérimenter l'abstraction.
Je n'aborderai pas dans cette note les sujets maintes fois évoqués à
propos de l'œuvre d'Hedward Hopper : peintre de la solitude urbaine, du
vide existentiel associé aux chimères du 'rêve américain"... L'Exposition très complète, et particulièrement bien faite, qui lui est consacrée au Grand Palais révèle d'autres points qui, pour ma part, sont vraiment les caractéristiques intrinsèques de son travail.
La marque de fabrique d'Hopper est incontestablement de forcer les contrastes, allonger les ombres pour augmenter la sensation de lumière, qu'elle soit naturelle (ex : "Morning sun", le fameux phare de "Lighthouse hill" ou même, en intérieur, la peau d'un blanc sidérant de la jeune femme de "Chop suey") ou artificielle (ex : "Summer evening").
Deuxième point qui m'a frappé en parcourant l'exposition est que les êtres peints par Hopper, de par leur aspect statique, le minimalisme des textures, des plis de vêtements, des chevelures, n'ont rien de vivant et se confondent avec l'environnement de pierre, plâtre, ciment ou béton qui les entoure. Cet environnement est d'ailleurs vidé de tout objet ou détail qui pourrait nuire aux objectifs de minimalisme de l'artiste.
Dernier point, et qui malheureusement n'est pas le plus avantageux pour le peintre : une telle rétrospective, traitée de façon chronologique, met en évidence à quel point l'art d'Edward Hopper n'a pratiquement pas évolué en trente ans (entre les années trente et les années soixante). Il faut attendre trente ans pour que le peintre tente, avec une audace toute mesurée, de frôler l'abstraction avec par exemple "Sun in an empty room"...
Le dessin est rigide, la technique assez sommaire et le fait qu'il ait fait cette trouvaille du minimalisme figuratif semble l'ériger comme peintre majeur. Je le considère plus pour ma part comme un artiste de transition que comme une figure majeure de la peinture du XXème siècle. Ce qui manque indéniablement ce sont le souffle, la puissance, la tension. Tout est statique chez Eward Hopper : la technique, le style, les sujets, la philosophie générale. La façon dont ses tableaux peuvent subjuguer le public fait alors partie de ces énigmes de l'art pictural.